La Mort…Je la personnalisais et
elle se trouvait pourtant devant moi, quelle étrange sensation,
mourir. Le chevalier Pégase, maudit soit-il, m'avait porté un coup
d'une telle violence que ma kamui avait volé en éclats, pourtant je
m'étais relevé au moment où il s'y attendait le moins et j'avais failli le
frapper mais il avait été plus rapide…et m'avait transpercé. Plus que
la mort c'était la défaite qui sur le coup m'avait fait souffrir : moi un
dieu vaincu par un mortel je ne pouvais y croire… Moi Thanatos vaincu par
un de ces êtres chétifs que je côtoyais chaque jour pour les délester du
poids de la vie, c'était tout simplement contre nature. Pourtant la
mort était là, bien présente, je sentais son aura froide, je la voyais qui
se penchait sur moi resserrant ses mains décharnées sur mes bras meurtris
comme je l'avais fait tant de fois avec tant de gens, enfin surtout avec
des p'tits vieux et des p'tites vielles depuis quelques temps. Toujours
est-il que la mort s'approchait inexorablement de moi, bizarrement elle ne
semblait pas craindre le néant auquel seuls les dieux pouvaient pourtant
survivre quelque temps, je me rappelai alors une histoire qu'Hypnos me
racontait parfois pour m'endormir, ce qui n'était guère nécessaire
d'ailleurs car sa simple présence avait une influence soporifique sur tout
ce qui passait à proximité, il me racontait alors qu'un homme, un dénommé
Sisyphe avait un jour réussi à convaincre la mort de ne pas l'emporter, la
chose était donc possible mais il allait falloir se montrer
convaincant. Je m'essayai donc à cet exercice auquel je m'étais
familiarisé en écoutant les complaintes de mes victimes qui me suppliaient
de les épargner.
- Ecoute-moi, nous devons parler.
La
réponse ne vint pas mais les mains de la mort s'immobilisèrent sur mes
bras.
- Quel intérêt as-tu à m'emporter ? si tu ne l'as pas
remarqué le néant approche et il est probable que je ne retrouverai jamais
le chemin du monde des dieux.
La mort avait une voix caverneuse
:
- Je ne trouve aucun intérêt à t'emmener avec moi si ce n'est que
je suis tenu d'obéir aux ordres de mon maître. - Quel maître ? Le
seigneur Hadès a été vaincu et l'enfer est en cours d'anéantissement. -
Les Moires, je suis Célesta, celle que les Moires ont choisi pour te
suppléer.
" Les Moires ", à force de tuer pour mon propre compte
j'avais fini par oublier leur existence mais ainsi elles avaient décidé de
me remplacer qui plus est par une déesse inexpérimentée et sans doute même
pas diplômée, Ah quelle ingratitude !! Célesta interrompit le cours de
mes réflexions en plongeant sa main osseuse dans mon cœur d'où elle sortit
mon âme.
- Oui les Moires et si tu veux un bon conseil, prépare
bien ta plaidoirie car c'est vers elles que je t'emmène.
Quelques
instants plus tard je me trouvais en présence des trois filles de Zeus et
de Thémis, la déesse de la Justice, que je n'eus aucun mal à identifier.
La première, Clotho, tirait de sa quenouille le fil de la vie, ce qui
symbolisait la naissance. La seconde, Lachésis enroulait le fil, ce qui
représentait le cours de la vie. La troisième, Atropos coupait le fil de
la vie, ce qui symbolisait la mort. Les Moires étaient des divinités
impitoyables qui représentaient le destin, même le grand Zeus était forcé
de se soumettre à leurs décisions. Pourtant elles n'étaient guère
impressionnantes pour qui les voyait pour la première fois : des mains
décharnées, des corps desséchés, un seul œil, qui consistait dans une
émeraude incrustée dans une sorte de monocle, pour trois… Avec le temps
leurs mouvements étaient devenus incertains : Lachésis déroulait de moins
en moins habilement le fil de la vie si bien qu'Atropos avait de plus en
plus de mal à couper ce fil qui lui échappait tout le temps des mains (ça
explique sans doute l'allongement de l'espérance de vie), par contre
Clotho était d'une régularité irréprochable, j'irais même jusqu'à dire
qu'elle tirait de plus en plus vite le fil de sa quenouille quand elle ne
tirait pas deux ou trois fils à la fois pour gagner du temps ( ce qui
occasionnait la surpopulation en Afrique et bien souvent des jumeaux ou
des triplés dans certains foyers). Heureusement que moi, le Dieu de la
mort violente, j'étais là pour réparer leurs bêtises sans quoi… Après
avoir fait de pitoyables efforts pour couper le fil de la vie d'un
Fox-Terrier Atropos décida de le laisser de côté (encore un qui allait
être bon pour le livre des records de longévité) et daigna m'adresser la
parole.
- Thanatos vois-tu ce fil ? - Le fil doré que vous tenez
maintenant entre les mains ? - Oui, que peux-tu m'en dire ? - Eh
bien pour être aussi brillant il doit sans doute appartenir à un dieu ou à
un demi-dieu.
Horreur !! Un doute soudain m'étreint : les dieux de
la seconde caste ont un fil de vie puisque souvent ce sont des héros
divinisés, se pourrait-il que ce fil de vie soit le mien ?
- Oui tu
as deviné, les deux fils dorés que tu vois là sont celui de ton frère
Hypnos et le tien. - Mais vous n'avez pas le droit de les couper,
personne n'a le droit d'ôter la vie d'un Dieu. - Sauf s'il est mourrant
et qu'il ne peut recevoir aucune aide extérieure, dans ce cas je ne
pourrais être tenue pour responsable si ce fil se cassait en tombant, vos
corps à toi et à ton frère sont en si pitoyable état.
Malgré le
sentiment de révolte qui bouillait en moi je réussis à maîtriser
suffisamment mes émotions pour parvenir à voir clair dans le jeu des
Moires : ces créatures passaient toute leur vie à donner alternativement
la vie et la mort à de simples mortels mais cette fois-ci elles avaient la
vie de deux dieux au bout de leurs ciseaux, elles voulaient sûrement
s'amuser avec moi.
- Que voulez-vous de moi ?
Les trois
Moires parlaient alternativement :
- Nous sommes le Destin… - …
Et le destin ne souhaite rien - … pour lui-même. - Je ne vous crois
pas, vous m'avez forcément fait venir ici pour une bonne raison !! -
Oui… - C'est vrai Thanatos… - Nous voulons que tu sauves la vie de
ton frère… - … en battant Célesta.
C'était donc çà, les Moires
voulaient que je batte leur nouvelle envoyée de mort afin qu'une fois
celle-ci battue je sois obligé de redevenir leur instrument.
-
C'est un marché de dupes, tout ce que vous voulez c'est que je recommence
à tuer pour votre compte parce que vous craignez que la vieillesse vous
rende plus vulnérable. - Tu as vu juste Thanatos… - Mais as-tu le
choix… - Quand ta vie et celle de ton frère… - Sont en jeu ? -
J'ai le droit à combien de réponses avant d'être éliminé ? (la haine comme
épée et l'humour comme bouclier a toujours été ma devise) - Aucune :
ton destin doit s'accomplir et nous ne te laissons pas le choix.b - Où se
passera l'affrontement ? - A Elysion, la terre des dieux. - Mais le
néant l'a avalée. - Précisément : si votre combat dure trop longtemps
vous serez condamnés à errer dans les limbes en compagnie d'Ulysse. -
Je vois, alors qu'attendons-nous ?
Je n'avais pas plutôt prononcé
cette phrase que nous étions téléportés, Célesta et moi dans ce qui avait
été Elysion.
Fort heureusement pour moi j'avais réintégré mon corps
en revenant à Elysion, la mauvaise nouvelle c'était que ma kamui était
toujours en morceaux et mon corps n'avait pas été régénéré. Célesta se
tenait en face de moi, elle portait toujours un capuchon mais je sentais
son cosmos brûler d'agressivité. Vu mon état actuel il valait mieux
jouer mon va-tout.
- Célesta, apprends qu'un Dieu ne se bat pas
avec un inconnu. A quel Dieu es-tu affiliée et quelle créature
mythologique représentes-tu ?
Célesta releva sa manche de telle
façon que je pus constater que ses poignets étaient recouverts de
bracelets en forme de serpents.
- Thanatos, apprends que mon nom
est Célesta du Serpentaire et que je suis comme toi affiliée à Hadès. -
Oui je te reconnais maintenant, Célesta, tu es ce serpent métallique qui
avait un jour mordu la main d'Hadès en pensant mordre celle de
Sisyphe.
Dans les temps antiques vivait un prodigieux voleur, qui
était aussi le roi de Corinthe et le père d'Ulysse, nommé Sisyphe. Un
jour celui-ci surprit un homme, dont il ne pouvait soupçonner qu'il fût
Zeus, occupé à violer une nymphe. Sisyphe se régalait du spectacle quand
il aperçut le père de la jeune fille non loin de là. Par pur souci de
convenance Sisyphe lui demanda son identité.
- Je suis le Dieu du
fleuve Aléithos et je cherche ma fille, l'aurais-tu aperçu ? - Que me
donneras-tu pour prix du renseignement ?
Pour toute réponse le
Dieu-fleuve fit jaillir une source d'eau potable aux pieds de
Sisyphe.
- Très bien, votre fille se trouve derrière ce bosquet en
compagnie peu convenable si j'ose dire. - Très bien, je m'en vais de ce
pas châtier le coupable.
Quand Aléithos arriva au bosquet il trouva
en effet sa fille souillée mais point de coupable. Le dieu-fleuve crut
qu'il avait été joué et la source se tarit instantanément. Pendant ce
temps, sur l'Olympe, Zeus, dieu à la moralité douteuse s'il en est, ne
cessait de tempêter contre ces mortels insolents qui se permettaient de le
déranger dans son activité favorite. Après avoir fait pleuvoir une pluie
de foudres sur Aléithos il envisagea de se venger de Sisyphe. C'est alors
qu'il fit appel à Hadès " Prends-le mon frère, prends cet impertinent.
" Hadès s'exécuta et se rendit à Corinthe.
- Sisyphe, je viens
te chercher sur ordre du roi des dieux, accepte ton sort
dignement.
Le dieu sortit alors un serpent métallique, l'œuvre
d'Héphaïstos.
- Je te présente le serpentaire, c'est un instrument
animé d'une âme, il m'a été donné pour accomplir ma
mission.
Sisyphe fit mine de se laisser faire lorsque le
serpentaire ondula lentement des mains d'Hadès vers les siennes. Mais en
même temps qu'il simulait la résignation, il rapprochait imperceptiblement
ses mains de celles du dieu. Les mains de Sisyphe étaient lisses comme
celles d'un voleur qui a passé le plus clair de sa vie à chercher dans les
poches de ses semblables, aussi au moment où le serpentaire allait
refermer ses mâchoires sur ses mains, il les retira prestement de telle
façon que les mâchoires du serpent se refermèrent sur le bras gauche
d'Hadès. Celui-ci esquissa une grimace de douleur : le serpentaire
continuait de serrer son bras gauche comme s'il s'agissait de celui de
Sisyphe. Celui-ci fanfaronnait jusqu'au moment où il entendit un
craquement sinistre : Hadès ne pouvant tuer Sisyphe par des moyens
conventionnels venait de fracasser les colonnes porteuses du palais de
Corinthe, Sisyphe n'eut pas le temps de se mettre à couvert et fut
enseveli sous 5 tonnes de gravats. Quant à Hadès il n'était pas parvenu
à se défaire du serpentaire aussi le sanguinaire Arès l'en débarrassa-t-il
d'un coup de lance et l'invention d'Héphaïstos tomba brisée à
terre.
- Je pensais que le serpentaire avait été détruit. -
C'est exact mais Héphaïstos l'a réparé pour son usage personnel et l'a
doté d'une âme. C'est ainsi que tu vois devant toi Célesta de la
constellation du Serpentaire. - Juste par curiosité, quel usage en
a-t-il fait ? - Hum…Il voulait en faire une ceinture de virginité pour
Aphrodite mais devant le mécontentement des autres dieux il y a renoncé et
en a fait un antivol pour sa forge. - Ah oui, je vois le bon domestique
est si rare de nos jours. Mais fini d'évoquer les albums de famille. En
garde Célesta !!
Célesta prit une position identique à la
mienne.
- Comment comptes-tu me battre Thanatos, sans kamui et dans
cet état déplorable ? - Si on commençait par çà.
Mon poing vola
en direction de Célesta qui ne parvint pas à l'éviter à temps, du sang
perlait maintenant à ses narines.
- Tu vas me payer ça. - Je
t'attends.
Célesta fonça sur moi mais son poing ne rencontra que le
vide.
- Que ?! - Avez-vous déjà oublié où nous sommes très chère
? - Dans les limbes… - Oui et dans cet univers nous sommes
incapables de nous déplacer à la vitesse de la lumière. - Ce qui veut
dire que mon armure du serpentaire ne m'est d'aucune utilité. - Exact :
dans cet univers une armure quelle que soit sa puissance n'est qu'un poids
mort, moi par contre je suis libre comme l'air et tu vas pouvoir le
constater !
Et ce disant je me précipitai sur l'ombre encapuchonnée
qui se tenait à quelques mètres de moi, comme le prédateur que j'avais
toujours été. Mais étrangement alors que l'énergie cinétique qui me
propulsait était accélérée par un plan incliné de 30°… mais qu'est-ce que
je raconte moi ! Enfin alors que je m'appretai à enfoncer mon poing
dans le corps que je supposais cadavérique, une étrange lumière m'aveugla
et soudain plus rien… Célesta avait disparu ! Comment était-ce possible
? Dans cette dimension son armure du Serpentaire représentait un lourd
handicap alors que moi je disposais de toute ma vitesse.
- Alors
surpris Thanatos ?
La voix venait d'une colonne à la dérive dans
les limbes, Célesta était debout en suspension.
- Surpris moi ? par
une espèce de déesse de pacotille comme toi, un animal de métal à qui un
dieu boiteux a donné la vie pour le servir !
Célesta était
manifestement piquée au vif par cette réplique assassine de son
adversaire, elle n'avait pas l'habitude d'avoir beaucoup de compagnie et
le fait qu'on la considère comme une déesse de seconde zone lui rappelait
qu'il y a longtemps elle n'était pas un être animé, juste un objet. Et
c'est avec toute la force de sa rage et de sa haine pour celui qui lui
faisait face qu'elle se prépara à lancer son attaque.
- Tu vas me
payer çà ! Par l' " étreinte du serpentaire " !
Et à ce moment une
formidable décharge d'énergie se déplaça vers le dieu de la mort.
-
Mais c'est impossible !
Thanatos n'eut pas le temps d'éviter
l'attaque que déjà il était prisonnier d'une étreinte irrésistible, comme
un serpent en train d'étouffer sa proie. Sans sa kamui pour le protéger il
ressentait une douleur atroce, ses os qui craquaient, sa peau qui
saignait. Pour la première fois depuis son combat contre Seiya il
souffrait.
- Comment ? Comment fais-tu çà ? Réussit à articuler
Thanatos. - Comment ? Mais c'est très simple, ton maître Hadès après
l'arrestation de Sysiphe avait perdu à cause de mes crocs un bon morceau
de son divin épiderme, et dans sa grande bonté il décida, quand il sut
qu'Héphaïstos m'avait donné la vie, de m'assigner à son service, au pire
poste qu'il put me trouver, il me donna le titre de geôlier des Titans
! - Forcement sans qualifications … - Tais-toi ! Donc j'ai passé
plusieurs centaines d'années à cette tâche ingrate, et en même temps que
je ruminais ma haine pour Hadès, je m'entraînais, je m'entraînais pour
devenir la plus forte, pour surpasser les titans, et c'est comme çà que
j'ai développé mes techniques de combat, et pas comme les autres dieux en
utilisant leurs capacités divines.
J'écoutais avec attention le
discours de Célesta, pas qu'il soit particulièrement passionnant car dans
ma fonction, de dieu de la mort, j'avais pu entendre toutes les
complaintes possibles et imaginables - ce que les mortels sont bavards
quand il s'agit de sauver leur misérable vie - celle là ne m'était donc
pas inconnue, cependant j'avais compris que ce que Célesta voulait par
dessus tout c'était une place parmi les dieux, un trône et un
domaine.
- Donc ce que tu veux c'est de la reconnaissance, une
place dans la société, une promotion, une part du gâteau, un dîner chez le
patron, enfin tu me comprends ? - Oui ! tout à fait, tu as tout compris
! s'exclama la déesse qui se préoccupait de moins en moins du combat et de
plus en plus du verbe de son interlocuteur.
Pourtant, alors que
Célesta écoutait le flux continu de paroles de Thanatos, celui-ci était en
train de concentrer son cosmos pour se libérer de l' " étreinte du
serpentaire " au moment opportun. Et alors qu'un auditeur aurait pu
entendre des phrases sans aucun sens telles que " la reconversion dans le
secteur privé des personnels carcéraux", Thanatos fit exploser son cosmos
d'un seul coup, se libérant ainsi de l'emprise de Célesta.
-
Comment tu, tu m'as trompée, tu t'es servi de ma crédulité pour te libérer
! - Bienvenue dans le monde réel poupée. - Et maintenant c'est à toi
de goûter à mon pouvoir, reçois la " Terrible providence ".
Et à ce
moment un flot d'énergie jaillit des mains de Thanatos pour grandir et
former une sorte d'archange démoniaque aux ailes de dragon. L'archange
s'éleva dans le ciel dévasté des limbes et alors qu'il semblait vouloir
s'envoler vers les étoiles, il descendit en piquée vers Célesta comme un
aigle fondant sur sa proie. Célesta tenta alors d'enflammer son cosmos
pour s'en servir de bouclier et plaça ses mains en croix devant son visage
pour s'en faire une protection dérisoire devant la puissance de l'attaque
de Thanatos. L'attaque s'écrasa sur la nouvelle envoyée de mort en une
formidable explosion qui souffla tous les beaux vestiges de la
civilisation qui avait vécu ici.
Seul dans ce spectacle de fin du
monde, le dieu de la mort ricanait.
- Adieu petite déesse, le sort
en est jeté, le miracle que tu attendais ne s'est pas produit, jamais un
animal doté d'une âme ne vaincra un être animé du Big
Will.
Thanatos reçu dans ses mains une cendre de ce qui avait été
l'armure du Serpentaire, il la serra entre ses mains et articula avec un
air mélancolique " Célesta je me souviendrai de ce nom même si je ne peux
graver ton visage dans ma mémoire ". Pourtant imperceptiblement les
glorieux décombres d'Elysion bougeaient, une pierre roula puis ce fut un
éclat de cosmo-énergie gris métallique qui fit exploser les
décombres. Thanatos ne se retourna pas.
- Bel épitaphe, mais je
trouve que tu m'enterres un peu vite ! - Comment peux-tu être encore
vivante ?
La voix de Thantos ne traduisait aucune appréhension,
tout juste un peu de surprise.
- Personne ne peut ressortir indemne
de la Terrible Providence. - Qui te dit que je le suis
?
Thanatos se retourna et ce qu'il vit lui arracha une
exclamation. Célesta avait perdu les habits coutumiers de la mort, ses
bras qu'on aurait supposé tout à l'heure décharnés étaient maintenant nus,
ce qui laissait voir leur forme musclée, acquises par des années
d'entraînement acharné, sa robe mettait en valeur jambes bien taillées et
surtout son visage avait le teint du bronze qu'Héphaïstos martelait dans
sa forge et ses yeux étaient d'un vert émeraude magnifique qui contrastait
magnifiquement avec sa peau brune et ses cheveux blonds coupés très
courts, à la garçonne. Tout en Célesta faisait penser à une
amazone…
Thanatos fut ébahi par tant de beauté au milieu de tant de
destruction, malgré son apparence athlétique, Célesta n'en était pas moins
une femme. Et aux yeux de Thanatos qui avaient eu la chance de pouvoir
toute leur vie contempler ce que les dieux avaient crée de plus parfait à
Elysion, cette divine amazone qui se tenait devant lui apparaissait comme
une beauté presque surnaturelle.
- Hum, je vois que ce bon vieux
Héphaïstos n'a pas perdu l'habitude de créer des choses qui ne lui
ressemblent en rien depuis le jour où il a façonné Pandore. - Est-ce un
compliment ? - Pour moi, oui.
Des gouttes de sang perlaient au
bout du bras droit de Célesta, une partie de son armure était carbonisée
mais elle ne montrait aucun signe de douleur ou de fatigue. En voyant
le sang couler du bras de Célesta le premier réflexe de Thanatos fut de
tendre la main vers celui-ci pour arrêter l'hémorragie mais un regard
furieux de l'intéressée le fit se rétracter.
- Oublierais-tu que de
ta victoire dépend la vie de ton frère Hypnos ? - Je ne l'oublie pas et
fais-moi confiance, la prochaine fois que je te porterai un coup tu ne te
relèveras pas. - Je te dis la même chose. - Attends. Avant de
reprendre ce combat je veux savoir comment tu as réussi à ne sortir que
légèrement blessée d'un coup dont le principe est pourtant d'éteindre la
flamme du cosmos de l'adversaire. - C'est très simple : les créatures
comme Talos, le géant de fer, ou moi qui avons été fabriqués par
Héphaïstos ne sommes pas animés par le Big Will mais par les flammes
immortelles qui se consument dans le volcan de Théra. Et quelque soit ta
puissance tu ne pourras jamais les éteindre. - Talos a été tué
pourtant. - Ne compte pas sur moi pour te dire comment ! hurla Célesta
avant de se jeter sur Thanatos avec une rage meurtrière qui égalait son
désir de reconnaissance.
Thanatos : Je dois admettre que je fus
surpris par la vitesse de ses coups : malgré que nous soyons dans les
limbes leur vitesse approchait celle de la lumière. Fort heureusement sa
kamui ralentissait ses mouvements de sorte que je parvins à bloquer la
plupart de ses attaques. D'abord un coup à droite puis esquiver à gauche
et enfin s'envoler pour que le poing de l'adversaire frappe le vide, tel
était l'art du combat selon moi. Mais au moment où je m'élançai dans les
airs pour éviter un coup je sentis une douleur cinglante à ma cheville
droite. Les crocs d'un serpent s'étaient refermés sur moi !
- Argh
! Ces sales bêtes font partie intégrante de toi! - Oui et tu ne connais
pas encore le plus beau : ces serpents sont reliés à des bracelets qui me
permettent d'absorber l'énergie vitale de mon adversaire ! Bientôt ta
chair va commencer à pourrir et ton sang divin viendra irriguer mes veines
détruisant un peu plus la créature d'Héphaïstos au profit de la déesse
! - C'est… c'est donc çà. Au fond tu ne te bats pas pour les Moires
mais pour toi ! Tu as tellement horreur de ta nature d'objet animé que tu
as vendu ton âme à ces mégères pour quelques gouttes de sang divin. -
Tais-toi ! Tu ne sais pas ce que c'est d'être un jouet entre les mains
d'un dieu pendant toute sa vie ! Pendant des siècles j'ai servi Hadès en
m'enroulant autour des mains des personnes dont il voulait la mort. Je me
nourrissais de sang humain à cette époque, mais ce jour-là, quand Sisyphe
a dérobé ses mains j'ai mordu la main d'Hadès et alors j'ai su ce qu'était
le sang d'un Dieu ! J'ai su ce que c'était de vivre ! Et pour cela je suis
prête à accomplir les plus basses besognes ! Prends ça, " suck the life
".
Je sens que mon sang, ce précieux Ichor s'échappe de mes veines.
Déjà je ne sens presque plus ma jambe droite. Il faut que je
réagisse.
- Désolé Célesta mais ce n'est pas aujourd'hui que tu
tueras un dieu. Par la deadly restriction.
J'étends alors les bras
en croix tandis qu'une aura funeste commence à m'entourer. Lorsque mon
aura touche le serpent de Célesta celui-ci commence à blanchir puis à
desserrer les mâchoires mais c'est déjà trop tard. Au moment où Célesta
fait un geste pour le ramener vers elle il se craquèle de toutes parts et
tombe en poussière.
- Qu'est-ce que ? S'exclama Célesta tandis que
mon attaque commençait à laminer son bras gauche. - La deadly
restriction est une attaque qui me permet de m'entourer d'une aura
mortelle qu'aucun être vivant ne peut pénétrer sans subir un
vieillissement accéléré. - C'est impossible, comment as-tu pu mettre au
point une telle attaque ? - Cela s'appelle l'expérience. Je n'en suis
pas à ma première guerre sainte moi.
Célesta me fixe de ses
magnifiques yeux verts luisant de haine. Je crois qu'elle essaye de
déceler une faille dans ma défense. Mon aura de restriction commence à
diminuer.
- Ca y est, j'ai compris ! Pour créer cette aura tu
consumes toi-même ton énergie vitale et tu absorbes celle de l'adversaire
!
Je devins livide. Comment a-t-elle pu assimiler aussi vite mon
dernier tour de passe-passe ?
- Cela est vrai mais tu as dix fois
le temps d'être aspirée par le néant avant que j'aie fini de consumer
toute mon énergie ! - Je sais cela, c'est pourquoi je vais hâter le
processus.
Célesta ferme les yeux. Elle semble se concentrer
intensément, autour d'elle les colonnes de marbre qui soutenaient
autrefois mon temple s'immobilisent.
- Oh non, ne me dis pas
que… - Si, comme Héphaïstos et les gens du peuple de Mu auxquels il a
transmis son savoir- faire je dispose de pouvoirs télé
kinésiques.
Les colonnes foncent vers moi. Comme ce ne sont pas des
êtres vivants et que je ne peux dresser une défense devant moi en même
temps que j'utilise la deadly restriction je suis touché à plusieurs
reprises. Je n'ai pas le choix : je dois tenter d'éviter ces projectiles
en me déplaçant à la vitesse de la lumière. Ca y est j'ai réussi à les
éviter, je suis maintenant hors de portée. Mais quelle est cette ombre
au-dessus de moi ?
- Surprise ! Dit Célesta avant de m'assener un
coup sur la nuque.
La douleur est intense et je sens qu'en même
temps le trou noir qui menace d'engloutir Elysion m'attire vers lui. Je
dois me stabiliser. " Deadly restriction "
- Abandonne Thanatos
! Dans cette position tu ne peux pas éviter tous les coups que je te
porte. - Je n'ai pas vécu aussi longtemps pour finir ainsi !
Il
faut que je me ressaisisse. Comment les argonautes ont-ils fait pour
vaincre Talos qui était aussi une créature d'Héphaïstos ? Comment ? Ah
j'aurais mieux fait d'écouter Hypnos quand il me parlait des exploits des
hommes. Hypnos… Et dire que je n'aurai pas été capable de le
sauver. " Thanatos… " Célesta arrêta l'attaque qu'elle était sur le
point de lancer.
- Quel est ce cosmos ? - Hypnos c'est toi
? - Tu délires, ton frère est à l'article de la mort ! " Oui c'est
bien moi et en effet je ne suis pas loin de la mort mais avant je veux
t'aider " - Mais de quelle façon ? " Je vais te révéler le point
faible de Talos " - Le point faible de Talos ? - NON !! Je ne te
permettrai pas de me vaincre. Jamais je ne retournerai dans l'enfer
brûlant du Tarare ! Meurs Thanatos ! " Le point faible de Talos
c'était… " - Oui !! - Reçois mon attaque ultime : par les cent crocs
incandescents du Serpentaire ! " … Son talon "
Ca y est je
connais son point faible ! Mais comment faire pour parer son coup ? A
cette distance même la deadly restriction ne la retiendra pas ! Cette
attaque arrive à la vitesse de la lumière ! Je n'ai pas le choix
! Je rassemble le pouvoir de la deadly restriction et le
dirige… Vers… Le trou noir. Un éclair incandescent. Célesta est
obligé de se couvrir les yeux une fraction de seconde. J'en profite pour
m'élancer vers le côté. Les crocs du Serpentaire me lacèrent l'épaule
droite, ses griffes s'enfoncent dans ma chair. Mon élan est
bloqué. Célesta rouvre les yeux.
- On dirait que tu as laissé
passer ta dernière chance Thanatos. - Même avec un seul bras je peux
encore lancer une attaque ! Tu n'aurais jamais dû me laisser approcher
aussi près. - NON !
Célesta tente de retirer sa main de mon
épaule mais je la retiens en contractant mes muscles.
- Tu as perdu
Célesta ! Reçois avec moi la… - Idiot ! si tu lances cette attaque
aussi près du trou noir nous y serons tous deux entraînés ! -
Terrible… - Tu tiens donc tant à mourir ! - Je veux sauver mon frère
! … Providence !
De mon bras valide je libère toute la puissance
dont je suis capable. La violence du choc est inouïe, je crois que tout
mon corps est pulvérisé mais le talon de Célesta l'est aussi, déjà je vois
la vie sacrée qu'Héphaïstos y avait insufflé s'échapper. Je vais sans
doute mourir mais j'ai gagné. Nos corps à la dérive sont lentement
aspirés par le néant. Je vois le trou noir qui achève d'aspirer Elysion se
rapprocher à toute vitesse. Je sens une pression à mon talon. C'est
Célesta… Elle n'est donc pas morte.
- C'est irritant ces gens qui
ne se décident pas à mourir. - Thanatos…
Je regarde Célesta,
elle ouvre ses yeux jusque là plissés par la douleur. Ce vert émeraude est
vraiment magnifique, comment ses yeux peuvent-ils avoir cette couleur ?
Talos, le géant de bronze avait des yeux sans signification, pourquoi
est-elle différente ?
- Thanatos…
Pour la première fois je
ne discerne pas la haine dans ses yeux… Ce serait plutôt de la détresse ou
de la tristesse. Ses yeux me font penser à ceux de sa majesté
Hadès.
- Aide-moi…
Quelle requête surprenante de la part de
quelqu'un qui souhaite ma mort.
- Et pourquoi devrais-je t'aider
? - Parce que… - J'écoute - Car je suis de la même race que toi
! - De la même race que moi ?
Brusquement la vérité me saute aux
yeux. Pourquoi les yeux de Célesta m'interloquaient autant ? C'est parce
qu'ils n'avaient pas de pupilles ! Hypnos a les yeux couleur d'or,
moi-même les ai couleur d'argent et Célesta couleur d'émeraude. Aucun
doute ceci est le signe de la divinité !
- Tu… Tu es vraiment une
déesse. - Oui, vas-tu m'aider maintenant ? - Et pourquoi ferais-je
cela ? - Parce que je peux te sauver la vie.
Je ne peux retenir
un rire tandis que je me sens dériver vers le néant.
- Toi ? Me
sauver la vie ? Mais ma pauvre enfant, la vie s'échappe de ton corps comme
l'oxygène des poumons d'un fumeur ! - Je peux faire plus que tu ne le
penses. - Parle. - Je vais invoquer les Moires ! - Quelle drôle
d'idée. - Tu ne comprends pas : les Moires sont aveugles, par
conséquent elles n'ont pu percevoir les vibrations que notre combat a
engendrées. Ce qui revient à dire qu'elles ignorent du tout au tout quel
est le vainqueur de cet affrontement. - Et alors ? - Alors, je peux
invoquer les Moires et leur clamer que je t'ai vaincu, ainsi nous nous
retrouverons tous deux devant elles et en sécurité. - Moi aussi peux
clamer que j'ai gagné. - Tu ne comprends donc pas ? Ce qui intéresse
les Moires c'est de jouer avec un dieu, elles n'ont que faire de toi. En
fait elles avaient prévu de couper le fil de ta vie que tu l'emportes ou
non. - C'est tout simplement diabolique mais moi mort qui les
suppléerait dans leur tâche ? - Tu peux me croire il y a des tonnes de
dieux secondaires qui font la queue depuis l'Olympe pour prendre ta place,
tous des sadiques. Mais trêve de discussions, acceptes-tu de m'aider
? - Je n'ai pas vraiment le choix… Que dois-je faire ? - Me
communiquer un peu de ton énergie pour refermer mes blessures. - Tu me
demandes de te laisser me sucer le sang ?! - Oui mais rassure-toi, je
ne prendrai que le strict nécessaire. - Je n'ai pas confiance en toi
mais soit.
Je sens la morsure des serpents qui prolongent les
bracelets de Célesta. Déjà la vie commence à me quitter, je commence à
sombrer dans l'inconscience. J'aurais dû me méfier : cet espèce de vampire
assoiffé de sang divin va sûrement me tuer. Mes yeux se ferment. Dans mon
inconscience il me semble entendre la voix de Célesta. " Ô puissantes
Moires, ramenez-moi auprès de vous. J'ai vaincu Thanatos et vous apporte
son corps comme preuve de ma victoire " Je sens que nous quittons
l'atmosphère particulière qui règne à Elysion. Dans ma torpeur j'entends
une voix, celle d'Hypnos cette fois " Thanatos… Mon frère, tu n'as pas le
droit de mourir "
- C'est toi qui me dis çà alors que tu n'as rien
fait pour empêcher Seiya de m'envoyer ad patres. - Tu es injuste, je
t'ai dit de t'écarter, mais la personne qui a aujourd'hui besoin de toi
est notre majesté Hadès. Pour lui tu dois vivre. - Sa
majesté…
J'en ai la certitude : nous nous trouvons maintenant dans
la résidence des Moires, je sens leurs yeux pointés sur moi, je reconnais
l'odeur de mort qui se dégage de ces
lieux.
Célesta
Je me trouve en présence des Moires,
le sang de Thanatos a permis à ma blessure au talon de se refermer. Je
tiens son corps dans mes bras. Je ne peux m'empêcher de scruter son
visage. Qu'il est harmonieux avec ses traits réguliers, ses yeux et ses
cheveux couleur d'argent. Ma main s'attarde un moment sur l'étoile de
couleur sombre qu'il porte sur le front. Que peut bien vouloir dire ce
signe ? Un signe des Moires me fait sortir de mes réflexions.
-
Eh bien Célesta, n'as-tu rien à nous annoncer. - Si. Puissantes Moires
j'ai vaincu Thanatos. - C'est bien, nous sommes contentes de notre
servante.
Les Moires laissent passer un silence avant de reprendre.
Atropos parle pour ses sœurs.
- Que réclames-tu pour récompense de
tes actes ? - Ma Liberté !
Je me mords les lèvres jusqu'au sang
de révéler aussi vite mes aspirations, mais cela fait tellement longtemps
que je désire être libre.
- Comment ?! Tu renonces donc à nous
servir ! Qui sera notre ange de la mort si tu nous quittes ? - Il
paraît que les postulants se bousculent dans la file d'attente. - Ne
sois pas insolente ! Il n'est pas question de çà. Personne à part Thanatos
n'a quitté le service des Moires ! Demande-nous autre chose.
C'est
donc cela mon destin : continuer à faire les basses besognes de déesses
aveugles pour l'éternité ! Il va falloir jouer serré.
- Divines
Moires, il est possible que vous ne vous rendiez pas compte de la valeur
du trophée que je vous présente. Regardez donc de plus
près.
Joignant le geste à la parole j'approche le corps de Thanatos
des Moires. Atropos saisit son monocle d'émeraude pour mieux détailler
Thanatos.
- Effectivement. C'est un beau spécimen. - Maintenant
Thanatos !! Hurlai-je de toutes mes forces.
La main de Thanatos
agrippa le monocle d'émeraude et l'arracha d'un coup sec à
Atropos. Après s'être relevé et avoir fait quelques bonds en arrière,
Thanatos se retrouve à mes côtés. Atropos hurle :
- Comment
as-tu osé ? Nous trahir nous les Moires !! - C'était le seul moyen
d'obtenir ma liberté. Pendant mon combat contre Thanatos j'ai réalisé que
je n'étais pas qu'un objet animé. Je suis une déesse ! Et en tant que
telle je revendique mon droit à la liberté. - Bien parlé Célesta dit
Thanatos.
Atropos enrageait de voir Thanatos encore
vivant.
- Toi… Tu l'auras voulu ! Je vais couper le fil de ta vie
et celle de ton frère ! - A l'aveuglette çà va être difficile. Déjà
qu'avec le monocle c'était pas brillant.
Effectivement la main
d'Atropos s'agite dans les airs et referme plusieurs fois ses ciseaux sur
le vide. De rage elle les jette dans la direction opposée, blessant
Lachesis au passage. Le sang commence à perler du bras de cette dernière.
Les terribles Moires, blessées par leur propre arme, quelle
ironie.
- Rends-nous notre œil ! Hurle Atropos en désignant le
monocle. - Il serait en effet dommage qu'il se brise dit négligemment
Thanatos. Cela aurait pour effet d'immuniser les humains contre la mort,
ce que je ne souhaite pas, bien sûr. - Rends-le-nous ! - Il y a des
conditions à cela. - Quelles sont-elles ? - Primo vous régénérez
Hypnos et le transportez dans un endroit sûr, secundo vous régénérez mon
propre corps et m'envoyez auprès de sa majesté Hadès.
Je jette un
regard noir à Thanatos.
- Ah oui ! Vous rendez sa liberté à
Célesta, c'est une déesse après tout. - Accordé mais qui sera notre
ange de la mort ? - Je ne compte pas renoncer à cette fonction dans la
mesure où cela peut être utile à sa majesté. - Tout cela t'est accordé,
rends-nous notre œil à présent.
Atropos tendit une main que
l'avidité faisait trembler.
- Une minute, jurez ! - Jurer ? -
Oui. Vous allez jurer par le Styx que vous ne reviendrez jamais sur ce
vous nous avez accordé.
Les Moires s'exécutèrent de mauvaise
grâce.
- Soit, moi Atropos… - Moi, Clotho… - Moi,
Lachésis… - Nous les trois Moires filles de Zeus et de Thémis nous
jurons par le Styx de ne jamais revenir sur ce qui a été promis
aujourd'hui. - Voilà qui est bien.
Je sentis alors un choc,
comme si les chaînes qui me liaient à mes maîtresses avaient soudain
disparu. J'étais libre ! Thanatos sourit lorsqu'il sentit la force
revenir en lui. Il se tourna alors vers les Moires.
Joignant le geste à
la parole Thanatos lança le monocle vers les parois de la caverne où
vivaient les Moires, il y fit ricochet puis tomba au milieu des déesses
aveugles qui se ruèrent dessus comme des forcenées. Thanatos me prit
par le poignet.
- Il ne vaut mieux pas moisir ici.
Sortis de
la caverne un silence s'insinua entre nous. Thanatos fut le premier à le
rompre.
- Pourquoi ne m'as-tu pas tué ?
Je baissai les yeux,
gênée.
- Pourquoi as-tu voulu panser ma blessure au bras
?
Ce fut à son tour de baisser les yeux. Nous répondîmes pourtant
simultanément.
" Tes yeux ont réveillé quelque chose d'enfoui en
moi "
Thanatos parut aussi surpris que moi de la simultanéité de
cette réponse. Il prit pourtant la parole.
- Célesta, j'ignore
pourquoi mais je suis certain que nous nous sommes déjà rencontrés par le
passé. Toutefois je ne peux laisser mes sentiments me guider quand mon
devoir est de servir sa majesté. Acceptes-tu de nous rejoindre ? -
Thanatos… Tu as raison, nous devons avoir un passé commun. Pourtant je ne
peux te rejoindre : pendant des milliers d'années j'ai vécu dans la haine
d'Hadès mais il n'y a pas que çà. Je ne sais pas qui je suis : je pensais
être une simple arme dotée d'une âme… Mais tu as reconnu en moi une
déesse. Aujourd'hui je suis sûre qu'il n'existe qu'une seule personne qui
soit capable de répondre aux questions que je me pose. - Héphaïstos, le
dieu forgeron… - Exact. Et tant que je n'aurai pas eu de réponse à mes
questions je ne pourrai m'engager aux côtés d'un dieu. - Soit, Célesta,
sache que je respecte ton choix mais sache aussi que j'exterminerai sans
états d'âmes tous ceux qui se mettront en travers des projets de mon
maître. Le moment venu, choisis bien ton camp. Adieu
!