- Allez les gars, du nerf, bougez-vous un peu !
Shina houspillait ses novices, mais aujourd'hui, le cœur n'y était pas vraiment. Depuis son entretien avec Astreya elle était plus que soucieuse. Aucun de ses novices ne serait prêt à temps…Une idée lui vint, une interrogation qui lui avait déjà traversé l'esprit.
- Salut Shina ! Comment se passe l'entraînement ?
- Bah ! Avec cette chaleur, ils ne sont plus capables de grand chose, déjà qu'en temps normal…
Shina se retourna vers le jeune homme qui venait d'arriver à ses côtés. Il arborait le même air préoccupé qu'elle. Elle continua sur son idée à haute voix :
- Rigel, on dit bien que les chevaliers d'Athéna sont au nombre de 88, non ?
- Oui, c'est ce qu'il me semble.
- Il y a 12 armures d'or, 24 armures d'argent et 48 de bronze. Tu es toujours d'accord ?
- Euh, oui…à ma connaissance.
- Il en manque donc 4. Qui sont-elles ? Où sont elles ? En ce moment nous avons besoin de toutes nos forces ! continua Shina en s'échauffant. Rigel la regardait dubitatif :
- Quatre armures inconnues… Je n'y avait jamais pensé. Je peux faire des recherches à la Bibliothèque, peut être que d'anciennes archives les mentionnent.
Il n'était pas homme à laisser traîner les choses, aussi quitta-t-il Shina aussitôt.
- Je vais demander un coup de main à Astrios, ajouta-t-il avec un sourire narquois, lui qui aime tant la paperasse…
Shina le regarda partir en secouant la tête :
- Nous n'aurons jamais le temps, murmura-t-elle.

Sayan sortit de chez elle en courant et aspira avidement l'air froid. Il fallait absolument qu'elle aille prendre l'air. Elle n'arrivait pas à se défaire de cet inexplicable sentiment d'oppression qui l'étouffait depuis quelques jours, comme si une catastrophe était imminente. Elle quitta le village niché au cœur de la montagne et ses pas l'entraînèrent vers l'étroit sentier qui se lançait à l'assaut de la paroi rocheuse. Elle tentait de se calmer, mais même la vue de ces montagnes familières n'y parvenait pas. Les Andes, chargées d'histoire…comme elle les aimait ! Le vent soufflait avec insistance et la poussait en avant. Elle augmenta son allure, puis se mit à courir. Etendant les bras, elle s'imagina être un oiseau. Pouvoir voler était un de ses rêves. Cela devait être tellement exaltant…
AÏE ! Voilà ce qui arrive quand on court bêtement sans regarder où on met les pieds. Sayan buta soudain contre une pierre et tomba la tête la première. Entraînée par son poids, elle sortit du chemin et dégringola la pente dans les cailloux. Instinctivement, elle se couvrit la tête de ses mains. Elle roula, roula et enfin sur un dernier choc, elle s'arrêta. A moitié assommée, elle resta longtemps immobile. Ses mains, son visage, tout son corps étaient lacérés par les roches. Elle s'assit lentement et regarda vers le haut, vers le chemin qu'elle avait malencontreusement quitté.
- Merde, merde, merde, merde ! débita-t-elle à toute vitesse, furieuse de sa propre inconséquence.
La jeune fille se remit sur pied et essuya le sang qui coulait de sa tempe. Elle était tombée dans une espèce de petite cuvette et le seul moyen d'en sortir était l'escalade. Sayan fronça les sourcils et grommela. Mais son regard fut soudain attiré par une ouverture dans la roche, elle s'approcha en boitillant, intriguée. Deux quartiers de roche semblaient monter la garde de chaque côté. Sur leur surface était gravé un symbole abstrait, comme une sorte de volute. La curiosité l'emporta sur toute prudence et la jeune fille pénétra dans la grotte.

Au Sanctuaire. Un cri atroce déchira soudain la sérénité de la nuit.
- Nooooooooon !! J'en ai maaaaarre de ces bouquins qui partent en lambeaux ! On se crève les yeux pour rien !
- Courage, répondit une voix qui semblait lutter pour ne pas sombrer dans l'hystérie, on va bien finir par trouver quelque chose…

Le tunnel s'élevait en pente douce. Il y régnait une atmosphère étrange qui donnait à Sayan l'impression d'être sur le point de faire une découverte. Des ouvertures étaient pratiquées dans la partie supérieure du tunnel, aussi y voyait-elle suffisamment clair pour continuer d'avancer. Elle sentait aussi les tourbillons d'air qui s'y engouffraient, faisant virevolter ses longs cheveux vert sombre et les pans de sa tunique. Elle marcha longtemps, sans même s'en rendre compte. Dans la pâle lueur qui baignait le tunnel , elle se rendit soudain compte que des bas-reliefs ornaient par endroit les parois rocheuses. Il s'agissait de représentations de sacrifices, de batailles et même des scènes de la vie quotidienne. Sayan reconnut aisément la trace des Incas, dont les légendes et les vestiges hantaient encore toute la région. Elle promena respectueusement ses doigts sur les reliefs si expressifs. Mais où était-elle donc ? Ce tunnel la menait-elle vers un sanctuaire secret ?
Et soudain, elle se retrouva brusquement à l'air libre. Une bourrasque de vent glacé lui sauta au visage et la fit reculer de quelques pas. Elle resta fort élégamment bouche bée devant le spectacle qui s'offrait à elle. Le tunnel l'avait conduit beaucoup plus en altitude que ce qu'elle aurait pu imaginer. Elle se tenait debout sur une plate-forme de granit, la seule issue autre que le tunnel était un étroit pont de pierre qui enjambait…gloups, et bien qui enjambait le vide. Celui-ci rejoignait un étrange piton rocheux dont la forme sombre se découpait sur le bleu métallique du ciel.
Ce pic exerçait une étrange fascination sur la jeune fille. Elle avança lentement, jusqu'à se trouver devant le pont. Elle ignorait totalement pourquoi, mais il fallait qu'elle le traverse. Prenant son courage à deux mains, elle posa prudemment un pied sur l'étroite structure et commença sa lente progression, les yeux fixés sur son but. Elle ne se demanda même pas d'où venait cette témérité dont elle n'était pas coutumière. Elle était prise d'une sorte d'exaltation. Autour d'elle, le vent sifflait avec violence, les courants d'air tourbillonnaient sauvagement. Sayan vacillait sous leurs assauts redoublés, mais elle avançait toujours. Peu à peu les hurlements du vent se transformèrent à ses oreilles en une lente mélopée qui l'accompagna au rythme de ses pas. Comme dans un rêve, la jeune fille se retrouva de l'autre côté.
Devant elle s'élevait le piton de roche. Il était curieusement percé de trous de toutes tailles, qui lui aurait sûrement fait penser à du gruyère si son esprit n'était pas ailleurs. Avec appréhension, elle entra dans l'étrange structure. Et s'arrêta net sur le seuil, stupéfiée. Elle était dans une sorte de vaste salle circulaire, en son centre, sur un bloc de roche…une caisse métallique sur les faces de laquelle jouaient les rayons de lumière. Le vent qui traversait le pic faisait résonner la grotte d'étranges sons harmonieux. La caisse était environnée de furieux courants d'air qui tournoyaient majestueusement. La jeune fille n'en croyait pas ses yeux, il lui semblait avoir découvert un diamant dans son écrin. Un diamant qui l'hypnotisait, qui l'appelait…
Sayan s'avança doucement, les tourbillons d'air semblaient diminuer d'intensité à son approche, comme pour la laisser passer. Enfin elle fut devant l'objet étincelant. Elle tendit une main tremblante et en toucha la surface froide. Tout se passa alors très vite, mais cet instant devait rester gravé pour toujours dans la mémoire de Sayan. Avec fracas, la caisse s'ouvrit. Une silhouette étrange en jaillit dans un rai de lumière blanche. En une fraction de seconde, alors qu'elle sentait ses pieds décoller du sol, elle la reconnut. C'était une forme animale, une tête et des serres d'aigle…un arrière train de fauve…complétés par deux grandes ailes…c'était un Griffon !

- Youpiii ! Regarde ! Regarde ! clama Astrios en collant une liasse de feuilles sous le nez de Rigel. Ils parlent des chevaliers mystérieux là-dedans.
- Ouf, grâces en soient rendues à Athéna, murmura le chevalier d'Orion en massant doucement sa tête douloureuse.
- Ces quatre chevaliers ont une signification particulière. Tu ne devines pas ? Quatre ! Quatre comme…comme les quatre éléments ! Un chevalier pour chaque élément ! Une particularité de ces chevaliers, c'est qu'ils possèdent dés leur naissance un immense pouvoir, lut-il, ils doivent apprendre à s'en servir une fois qu'ils sont entrés en possession de leur armure. Mais encore faut-il qu'ils la trouvent…Mouais, c'est un peu léger comme renseignement.
Astrios resta songeur en relisant les feuillets jaunis. Rigel secoua la tête :
- C'est très bien, nous savons qu'il existe quatre guerriers supplémentaires susceptibles de se joindre à nous, dit-il, mais maintenant ? Nous ne sommes pas beaucoup plus avancés, où les trouver ? Comment ?