Chapitre 35: Les chevaliers-dieux
Etait-ce de la musique que l'on entendait dans
la salle de jugement des dieux de l'Olympe ? Etait-ce une sculpture vivante qui
se mouvait gracieusement et faisant désormais face à ses pairs ? C'était
Apollon, dieux des arts, qui venait de prendre la parole, déployant toute son
âme pour appuyer son discours.
Une boucle blonde tomba sur son front tandis qu'il penchait la tête en avant
comme pour se concentrer. Le jeune éphèbe ajusta sa tunique en reculant la
simple attache qui la retenait sur son épaule gauche et reprit la parole.
« Père, olympiens, frères et soeurs, je m'oppose à ce qu'Athéna disparaisse.
- Evidemment, ironisa Dyonisos, c'est le fils d'une mortelle !
- Et le mien également, tonna Zeus, aussi c'est pour ça que tu vas te taire et
le laisser parler. »
Apollon adressa une oeillade complice à sa soeur, Artémis, puis ses yeux pers
fixèrent la noble assemblée qui s'étendait face à lui.
« Je m'oppose à cet acte car il est inutile et suicidaire.
- Soit très convaincant Apollon car le dieu de l'éloquence, c'est moi, conclut
Hermès, non sans une certaine touche d'humour. »
*
* *
Ikki s'arrêta de courir, brusquement, comme s'il avait rencontré un mur.
Quel était ce sentiment qui le tourmentait ? Ses sourcils se froncèrent. Des
émotions venues de l'extérieur, de l'Olympe, de l'univers entier l'assaillait.
Des mots revenaient sans cesse dans son esprit : pardon, rédemption, rachat...
Autant de concept qui pouvaient devenir le carburant pour nourrir tous les
foyers d'actions justes et bonnes...
Ikki n'avait jamais senti ce genre de ... de choses. Le combat contre Arimaspe
lui avait laissé un arrière-goût étrange. Et ces nouvelles parties sur son
armure le surprenait autant. Se pourrait-il que son esprit ait également reçu
de nouvelles facultés ? Pourtant, son cosmos était similaire à celui qu'il
dégageait avant son combat...
La principale surprise provenait de cette nouvelle perception des faits et des
émotions venues de l'extérieure. Un sens supplémentaire ? Une conscience plus
étendue de la réalité de l'univers ?
Un esprit capta alors particulièrement son attention. Ikki s'assit alors sur un
des grandes marches de l'escalier qu'il gravissait. Les genoux plus haut que le
bassin, il pencha la tête en avant et laissa pendre ses mains nonchalamment.
L'esprit en question était en quête de rédemption. C'était un être fort aussi
bien mentalement que physiquement. Il dégageait une aura particulière,
inhabituelle. Et malgré cette puissance, cette âme était en quête de
rédemption.
Etrangement, Ikki décida qu'il était de son devoir d'y accorder une attention
particulière. Avant de fermer les yeux, la vision d'un Olympe à moitié détruit
s'imposa à lui, témoignage supplémentaire du changement des temps.
*
* *
Le grain de raisin tournait dans la bouche d'Apollon. Le dieu le fit rouler sur
sa langue un instant et l'écrasa contre son palais. A la douceur de la pulpe,
succéda rapidement l'acidité de la peau brune. Il profita de ce titillement
pour reprendre sa plaidoyerie.
« Qu'est-ce qui nous amène ici, Olympiens, demanda-t-il à la cantonade.
- Des mortels sèment la mort et la destruction en son nom, répondit
nonchalamment Hermès en désignant Athéna.
- Pas tout à fait, cher frère.
- Ha ! Comment ça, s'esclaffa l'épouse de Zeus.
- Premièrement, ce ne sont plus tous des mortels. Vous en avez tous eu la
preuve à l'instant. »
Apollon se tourna vers sa soeur guerrière et lui adressa un regard appuyé.
« Hyoga, murmura Athéna
- Il faut nous rendre à l'évidence. Plusieurs des chevaliers-dieux d'Athéna
sont désormais nos égaux ! »
Cette phrase déclencha un murmure de réprobation parmi les Olympiens.
*
* *
« As-tu fui ? » demanda Hyoga à voix basse. Il savait parfaitement qu'il
n'était nul besoin de parler fort pour se faire entendre des dieux.
Héra lui était apparu et quelques secondes plus tard, elle s'était évanoui dans
les airs. Quelle était la raison de cette disparation ? Quoi qu'il en fut,
c'était certainement qu'un événement crucial avait bouleversé ce qui demeurait
de l'Olympe...
*
* *
Héra apparut dans la salle de jugement, attirée par les déclarations d'Apollon.
Son arrivée fut accueillit par des hurlements d'indignations du roi des dieux :
« Comment oses-tu mon Fils, tonna Zeus.
- Père, vous êtes parfois si lucide et parfois si borné, se permit de déclarer
le fils préféré du dieu des dieux. Vous l'avez vous même senti, de tout vos
sens !
- Oui, c'est vrai, admit Zeus, en se rembrunissant.
- La situation est simple. D'une part, ces chevaliers-dieux viennent chercher
Athéna au nom de l'amour qu'ils lui portent. D'autre part, des renégats
asgardiens dévastent le monde pour prendre l'Olympe d'assaut.
- Je vois où tu veux en venir, mon frère, l'interrompit Hermès avec un sourire
d'acquiescement.
- Sommes-nous assez nombreux pour resister cette fois-ci, s'enquit Apollon.
- Des Olympiens sont morts, renchérit Dyonisos sortant momentanément de sa
léthargie éthylique. Et une terrible menace pèse sur nous. »
Comme pour souligner cet état de fait, un silence s'abattit sur la salle
sombre.
« Et que proposes-tu, Apollon, apprenti général en chef, lanca Hermès d'un ton
moqueur, faire d'eux des Olympiens ?
- Peut-être, mais surtout, donnons aux chevaliers-dieux ce qu'ils désirent et
en échange, exigeons d'eux qu'ils combattent à nos côtés contre la menace de
Loki. »
Zeus était pensif. Il passait nerveusement sa main dans sa barbe. Son plan
allait-il être une fois de plus repoussé dans le temps ?
« Penses-tu vraiment que l'une ou l'autre de ces menaces pourrait nous
détruire, demanda-t-il à son fils.
- Non pas séparément. Mais si elles se présentent rapidement l'une après
l'autre, oui, j'en ai peur. »
La stupeur s'abattit sur le visage des Olympiens présents. Toute leur
assurance, leurs certitudes amassées depuis des siècles s'effondra comme un
château de sable. Ils ne pouvaient plus nier l'évidence.
« Tu as raison, décida finalement le roi des dieux. Aliénons-nous
temporairement les services de ces combattants. Amenez-moi c'est guerriers !
Athéna, ton procès est suspendu. Ta blessure demeure mais n'empirera pas
jusqu'à la reprise du procès. Je te libère mais je t'ordonne de rester en
Olympe. Tu ne pourras pas en sortir de ta propre volonté. »
Athéna courba la tête en signe de soumission.
Alors, dans le silence, Héra hurla de la voix qu'elle prêtait à Stentor durant
la bataille de la Guerre de Troie :
« Et ces mortels de basse extraction resteront impunis, s'enquit-elle
violemment. Quelle face présenterons-nous ? Tout le monde se moquera du
châtiment divin ! »
Zeus partit d'un rire franc et débonnaire.
« Très bien, ma chère épouse. En guise de punition, j'ordonne le châtiment
suprême pour tous les renégats autres que les chevaliers-dieux. Que ces
chevaliers élémentaires et ces résidus de guerrier qui rampent en Olympe
finissent sous nos sandales. Aucun d'eux n'a atteint notre 9ème sens, n'est-ce
pas ?
- Cette partie de plaisir s'annonce particulièrement plaisante, conclut
Dionysos. »
*
* *
Dans la pénombre d'une alcôve adjacente au palais de Zeus, deux dieux
murmuraient...
« Que cherches-tu à faire, demanda Artémis, la déesse chasseresse.
- J'ai à te parler, ma chère soeur, lui susurra Apollon, omettant de répondre à
la question.
- Cela ne te ressemble absolument pas de te servir de quelqu'un pour remplir
les desseins de quelqu'un d'autre, fut-ce quelqu'un d'autre notre père.
- Ah ! Tu me connais tellement bien, mon amour... »
Les deux êtres échangèrent un regard complice et l'éphèbe repris la parole :
« Par où commencer, balbutia Apollon en se passant la main dans ses cheveux. Ma
soeur, le monde tel que nous le connaissons touche à sa fin. Plus jamais, nous
pourrons chanter, danser, chasser comme avant.
- Tout va-t-il donc être détruit ?
- Tout ? Je ne sais pas. Mais une certitude s'est imposée à moi. Le futur
repose entre les mains de ces chevaliers-dieux.
- Pégase ?
- Pas seulement Entre les siennes et celles de ses compagnons, je le sais grâce
aux renseignements recueillis par mes Muses durant toutes ces dernières
semaines. Grâce à elles, j'ai pu étudier Pégase , Marine et les autres. Ces
connaissances liées à mes visions du futur m'ont convaincu d'une chose. Une
Apocalypse nous attend.
- Une fin...
- Et un recommencement ma soeur adorée. La mort de nos frères, soeur et oncle
nous prouve qu'une ère touche à sa fin. Et je n'ai pas envie que nous deux,
nous expirions avec elle.
- Tu veux que nous renversions notre père ?
- Inutile, les chevaliers-dieux le feront à notre place. C'est leur destiné. Et
quand les anciens dieux auront disparus, ce sont eux qui prendront nos places
dans ce nouveau monde, qui naîtra après l'Apocalypse.
- Comment pouvons-nous échapper à l'Apocalypse et survivre au massacre ?
- L'avènement des chevaliers-dieux est inévitable. Les Parques le savent même
si elles ne veulent le révéler à personne. Notre seul espoir est de nous lier à
Athéna.
- Notre soeur... Nous avons tellement peu de chose en commun.
- Ne dis pas ça. Vous avez une particularité en commun qui vous distingue aux
yeux des tous ces poètes humains qui chantent nos louanges.
- Oui. Je vois ce que tu veux dire. Nous sommes... inaccessibles...
- Et vierges oui. Et vous gardez cette virginité jalousement, à mon plus grand
étonnement d'ailleurs.
- Il y a des sentiments que tu comprendras jamais, je le crains, dit Artémis,
un sourire sibyllin sur les lèvres.
- Passons... Athéna est attachée à toi par ce lien. Et notre survie passe par
Athéna. Tu dois aller la convaincre. Notre père a convoqué les chevaliers-dieux
restants afin de leur proposer le Marché. Les dieux restant sont en route pour
massacrer ces pitoyables pantins que sont devenus les chevaliers-élémentaires :
le moment est idéal.
- Puisse-t-elle entendre notre complainte et notre envie de vivre. »
*
* *
Ikki était toujours concentré autour de ce nouveau sens qu'il avait acquis. Une
autre âme avait maintenant capté son attention. Celle-ci était presque
similaire à la première qui l'avait attiré. Si ce n'était pas la sienne, du
moins c'était celle de quelqu'un qui lui été lié par le sang.
*
* *
« Sais-tu pourquoi mes chevaliers vaincrons, Artémis, demanda faussement
Athéna.
- Grâce à leur pouvoir divin, celui que nous avons également.
- Non, ma soeur. Ils vaincront parce que contrairement à tous les Olympiens,
ils ne sont pas devenus dieu avec l'intention de gouverner l'univers ou de
faire le mal. Ils ont atteint l'ultime cosmos dans l'amour et l'intention de me
sauver. »
Artémis hocha lentement la tête. Finalement, comme si elle avait compris un
élément vital, elle parla précipitamment.
« A travers toi, ils se sont éveillés et sont venus à la vie à nouveau. Tout
comme notre père t'a donné la vie, à toi ou à Aphrodite.
- Oui. Mais c'est grâce à leur amour qu'ils sont devenus nos égaux.
- Leur ... amour, s'étrangla Artémis en s'empourprant.
- Un amour divin, Artémis, la rassura Athéna d'un rire cristallin et
intelligent.
- Nous sommes dans des temps si troublés que le pire pourrait arriver...
- Le chevalier-dieu Pégase est amoureux de Saori Kido, c'est un fait. Mais moi,
Athéna, je ne suis amoureuse de personne. J'aime l'humanité mais ce n'est pas
pareil.
- Pourquoi cette justification, ma soeur ? Te sentirais-tu coupable ?
- Je...
- Même moi, je suis tombé amoureuse. Adonis, tu te souviens ?
- Oui mais...
- Même si Aphrodite est morte, l'amour nous entoure toujours, ma soeur. Je
soupçonne un de tes défenseurs d'avoir pris sa place.
- Shun... Oui, bien sûr.
- Pourtant, il est mort n'est-ce pas ?
- Mort ? Non pas. Il a atteint le neuvième sens et attends son heure pour se
montrer à nouveau. Quand ce monde façonné par notre père aura disparu.
- Tu me fais peur, Athéna. Je ne veux pas mourir.
- Artémis, dis calmement Athéna, en posant ses mains sur les bras diaphanes de
la déesse de la lune, toi et même ton frère n'avaient rien à craindre dans la
mesure où vous ne vous opposerez pas à mes défenseurs.
- Alors je suppose que j'aurais encore moins à craindre si je te libère, si je
te ramène à ta forme humaine et si je te protège, hors de portée de notre père
et de notre marâtre. »
*
* *
Le Ragnarok ne pouvait être plus fidèle à la description qu'avait pu en faire
Snorri Sturluson, le poète islandais. Des combats titanesques opposaient des
êtres plus puissants les uns que les autres.
« Big Fire, hurla Surt d'une voix définitivement surnaturelle. »
Shiryu n'eut que le temps de parer le coup démoniaque du Géant avec son
bouclier, éternel allié défensif. Le problème, c'est que la même scène se
répétait depuis 10 minutes. A chaque fois que Shiryu abaissait son bouclier
pour attaquer, Surt lançait sa terrible attaque.
Doté d'un pouvoir de régénération défiant l'entendement, Surt se complaisait
dans cette situation, ne doutant à aucun moment de l'issue du combat. Peu de
guerriers subsistaient sur le champ de bataille désormais. Quelques guerriers
de Dyonisos redoublaient d'effort depuis quelques minutes pour soutenir Shiryu,
à sa plus grande surprise.
« Chevalier-Dieu, nous allons perturber sa concentration et alors, tu
attaqueras, cria quelqu'un dans le fracas de la bataille. »
Shiryu eu un temps d'hésitation. Il tourna la tête et réalisa que le guerrier
de Dyonisos s'adressait à lui. Chevalier-dieu ? Que voulait-il dire par là ? Le
temps n'était pas aux réflexions sans fin car trois guerriers alliés se
jetèrent au même instant sur Surt.
Ce dernier, surpris par la soudaineté de l'offensive, marqua un temps d'arrêt.
Ses ennemis déchaînèrent un torrent de folie et de furie sur lui, et réussirent
à le faire ployer sur un genou puis deux. Après un court instant de silence,
Surt s'effondra au sol.
Shiryu poussa un hurlement victorieux et se dirigea vers celui des trois
guerriers qui lui avait adressé la parole. Différent des autres, ce guerrier
avait une apparence fine et gracile.
« Merci à toi, commença Shiryu sans pouvoir conclure sa phrase.
- Ariane. Je m'appelle Ariane, fit la jeune femme en se retournant.
- Heuuuu. Merci Ariane ! Votre attaque simultanée a eu raison de ce monstre.
Toutefois, Loki et Jormungand sont toujours présents, je les sens.
- Oui, la puissance de ces monstres est terrifiante. Pourtant, ils ont disparu
du champ de bataille.
- Je dois les affronter, déclara Shiryu d'un ton ferme
- Cela peut attendre, chevalier-dieu, lui rétorqua Ariane. Je dois t'emmener en
Olympe.
- En Olympe ?
- Zeus a décidé de vous proposer un marché, à toi et à tes amis. Nous devons
nous unir pour lutter contre Loki, Jormungand et ses géants. La vie de ta
déesse est l'enjeu de ce marché.
- Athéna ! Bien, je vais te suivre Ariane. Tu n'aurais pas pris tous ces
risques contre Surt pour me trahir maintenant, n'est-ce pas ?
- Certes non... »
Et alors que les quatre guerriers commencèrent à s'en aller, une voix
tonitruante fracassa le relatif silence de la plaine : « Big Fire ! ». Shiryu
se retourna mais n'eut pas le temps de se protéger.
*
* *
Quelque part dans l'Olympe, les chevaliers-élémentaires mouraient à petits
feux. Face à la puissance, la perception et l'éveil de leur adversaire, ils ne
pouvaient rien.
*
* *
Shiryu était vivant. Pourtant l'obscurité régnait autour de lui. Il ne fallut
que quelques secondes au chevalier du Dragon pour comprendre ce qu'il s'était
passé. Surt avait simulé sa mort à la perfection et avait les attaqué en
traître, lui et ses nouveaux alliés. S'il avait survécu à l'attaque grâce à son
armure. Les autres guerriers étaient désormais décédés.
Quant à l'obscurité qui l'entourait, Shiryu ne paniqua pas. Il était évident à
son esprit logique que regarder directement en face et prendre de plein fouet
l'attaque de Surt l'avait rendu une fois de plus aveugle !
« Hahahahahaha ! Vous êtes des idiots finis ! entendit-il pérorer son
adversaire. Maintenant que Loki et Jormungand s'apprêtent à détruire le monde,
je peux finir ma mission. Big Fire !»
Subitement, Shiryu fut soulevé de terre. Son corps s'embrasa telle une torche.
La souffrance fut extrême mais elle n'était rien comparée à l'indignation qui
submergeait son coeur. Quelle félonie de la part de Surt !
« Tu es résistant petit homme ! Plus que tes compagnons olympiens ! Big Fire !
»
Ariane semblait avoir été une combattante dévouée à son dieu, tout comme Shiryu
l'était envers Athéna. Et par un acte inqualifiable dont il se vantait, Surt
lui avait ôté la vie.
« Décidément ! C'est à croire que tu aimes ça ! Hahahahaha ! Big Fire !»
Toutes ces morts injustifiées depuis le début du combat ! La bataille
fratricide du Sanctuaire, les combats en Asgard, dans le sanctuaire
sous-marin... Que de pertes injustifiées et inutiles. Quel gâchis humain.
Jamais Shiryu n'avait était aussi lucide concernant ce fait. Quelque chose
d'étrange était arrivé à Seiya, à Shun puis à Hyoga. Eux aussi avaient-ils
finalement succombé ? Et alors qu'il était en route vers la demeure de Zeus
pour la rédemption d'Athéna, ce félon de Surt brisait tous les espoirs de la
planète.
NON ! C'était insoutenable ! Aucun être humain ne pouvait résister à cette
pression ! Shiryu n'était pas Seiya ! Tout comme lorsque son meilleur ami lui
avait fait remarqué qu'il restait plusieurs heures devant la maison du Cancer
alors que lui se lamentait disant que plusieurs heures s'étaient déjà écoulées,
Shiryu commençait à douter.
Pourquoi ce sentiment alors qu'il avait tout donné, tout sacrifié pour ce noble
but ? L'injustice était flagrante. Et subitement, Shiryu réalisa que tout comme
Saga n'aurait pas pu dominer le Sanctuaire, tout comme Poséidon n'aurait pas pu
gouverner Asgard, tout comme Seiya ne pouvait pas manquer sa cible dans
Elysion, lui, le chevalier du Dragon, il ne pouvait pas mourir aujourd'hui. Et
l'espoir renaquit de ses cendres. Et cet espoir se mua en certitude. Shiryu
était désormais persuadé au plus profond de ses cellules que les coups de son
adversaire étaient dérisoires. Par contre, le Géant allait devoir payer cher
pour sa félonie.
Et sous le regard médusé de Surt. Shiryu se releva. « Big Fire » jappa-t-il
plusieurs fois de suite en réalisant que ses coups ne touchaient plus Shiryu.
Ils le contournaient ! Le géant fit un pas en arrière de stupeur.
Shiryu avançait calme et déterminé. Alors qu'il s'avançait dans un cratère
causé par la bataille, ses pieds rencontrèrent un sol invisible, lui assurant
une démarche droite et assurée. Le chevalier-dieu tendit alors ses deux bras en
avant vers Surt.
« Maître, clama Shiryu, le visage tourné vers le ciel, prêtez-moi la Balance de
la Justice ! Shura, j'invoque ton épée expiatoire ! »
Dans son poing gauche serré, se matérialisa une Balance en or massif. Dans sa
main droite tendue vers le ciel, apparut une épée coruscante.
« L'heure de ton châtiment a sonné Surt.
- Quel est ce cosmos que je sens chez toi ?! Tu n'est pas le même que tout à
l'heure !
- Non, tu as raison , monstre. J'ai acquis une sensibilité supplémentaire, une
lucidité que je ne pouvais concevoir auparavant. Mais ton temps de parole est
écoulé depuis longtemps. »
Shiryu tendit son bras gauche devant lui plaçant la Balance en équilibre. Après
quelques instants, un plateau pencha nettement plus que l'autre. Sans ouvrir la
bouche, Shiryu brandit l'épée qu'il tenait fermement dans sa main droite.
« Excalibur, rends ta justice ! »
Le chevalier-dieu abaissa son arme d'un coup sec. Un courant d'air se fit
sentir. Il atteignit Surt de plein fouet. Même si, sur le coup, Surt sembla
indemne, il ne fallu que quelques secondes pour apercevoir les différents
points où la partie droite de son corps se détacha de la partie gauche. Surt
tenta bien de maintenir l'intégrité de son corps entière mais ce n'était que
peine perdue. De la tête à l'aisne, Surt se déchira violemment sans effluve de
sang ou de chair. Ses moitié d'organes cuits par la chaleur de l'impact était
rabougris dans leur propre cavité. Bref, Surt n'était plus.
« La Justice cosmique commence enfin son cheminement, murmura Shiryu. Et moi,
je rejoins mes amis dans notre destin éternel. »
Et Shiryu disparut, s'évaporant dans les airs, se mariant avec la terre et
infiltrant le coeur de tous les mortels et de tous les immortels.
*
* *
« Shiryu ! »
Un éclair mental avait stoppé net Seiya dans sa course.
« Shiryu, que s'est-il passé ? Tu es toujours là mais je ne te sens plus que de
manière diffuse. Qu'est-ce que ça signifie ?
- Aaaaaaaah, la théorie des quantas, soupira une voix mélodieuse et connue du
chevalier-dieu Pégase.
- Apollon ! Que fais-tu ici, s'enquit Seiya, en position défensive.
- Calmons-nous Seiya. Allons au fait. Tu veux sauver Athéna ?
- Oui !
- Alors suis-moi. Zeus veut te proposer un marché. Ton aide contre la vie de ma
chère soeur.
- Mon... aide ?
- Et oui, que veux-tu, Personne n'est pas parfait, pas même le dieu des dieux,
conclut Apollon avec un sourire narquois. »
Et les deux êtres s'évaporèrent vers d'autres lieux où allaient se décider
leurs destins.
*
* *
« Te revoilà Héra ? » dit Hyoga toujours aussi impassible. Le chevalier-dieu du
Cygne était assis en tailleur face à l'entrée principale du temple d'Héra.
« Tu as attendu ici tout ce temps, lui rétorqua Héra.
- Oui, nous avons un combat à livrer tous les deux. Et je tiens à le gagner
pour la gloire d'Athéna.
- Si tu te bats pour la gloire de la fille de mon mari, tu vas devoir patienter
quelques heures, le railla la femme d'aspect mûr.
- Je ne comprend pas, dit Hyoga dans une phrase ressemblant plus à un ordre
pour se faire expliquer la situation qu'à une question.
- Si tu aimes ta déesse, suis-moi. Zeus, le dieu des dieux veut te proposer le
Marché, à toi et à tes camarades. »
Hyoga ne parut même pas intrigué. Il se leva calmement et vint faire face à
Héra.
« Vous vous considérez donc effectivement comme nos égaux désormais... »
chuchota Héra, visiblement impressionnée par le chevalier-dieu du Cygne.
Et les deux êtres disparurent dans la brume cotonneuse de l'Olympe.
*
* *
Revêtu de sa nouvelle armure, Ikki ouvrit les yeux à nouveau. Un léger
grognement d'approbation sortit de sa gorge. Il savait où étaient ses amis et frères.
Ils ne se souciaient plus pour eux. Il déploya les ailes de son armure. Il jeta
un regard vers le palais de Zeus et d'un coup de talon, il prit son envol. Tous
les chevaliers élémentaires étaient passés de vie à trépas. Tous, sauf lui. Les
autres n'auraient-ils fait que servir sa destinée ? Ce n'étaient pas juste,
Ikki en convint. Mais il ne doutait pas que Shiryu réparerait les dommages
faits en temps et en heure.
*
* *
L'avènement des chevaliers-dieux est complet.
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