Chapitre 39: Au plus profond des Enfers
La justice. Un concept apparemment simple,
mais tellement compliqué en réalité. Celui qui fait le bien doit être puni,
celui qui fait le mal doit être récompensé. Mais est-il possible de juger
réellement ce qui est bien ou mal? Comment juger lorsqu'on ne connais pas
encore les conséquences des actes de chacun? Nombreux sont ceux qui, croyant se
battre au nom de la justice, ont perpétré les plus abominables massacres.
L'histoire est pleine d'exemples d'hommes manipulés qui ont fait le mal en
pensant faire le bien. La plupart de ceux à qui on donne un ennemi et une cause
à défendre ne se poseront même pas de questions sur la justice. Ils sont
persuadés que celle-ci est de leur coté, et il est quasiment toujours
impossible de les convaincre du contraire. C'est là l'origine des manipulations
que les puissants ont toujours exercés sur les moins puissants. Chez les hommes
comme chez les dieux.
- Dionysos ! hurlait Seiya, espérant être entendu du dieu vigneron. Tu as été
manipulé depuis le début ! Zeus a l'intention de t'éliminer dès que le procès
d'Athéna sera achevé ! Il a l'ambition de régner seul sur la terre, même si
pour cela il doit détruire tous les olympiens ! Tu dois me faire confiance !
- Bien entendu… tout est clair maintenant… Zeus est le méchant et vous, vous
êtes venus massacrer les olympiens uniquement dans le but de les sauver… ne
crois pas que le fait que je sois le dieu de l'ivresse permette de me faire
avaler n'importe quoi.
La voix semblait provenir de partout à la fois. Où de nulle part. Elle semblait
proche et lointaine à la fois, comme si elle venait de l'intérieur de la tête
du chevalier Pégase, qui se trouverait en même temps à des milliers de
kilomètres de ce chevalier. Ces caractéristiques s'appliquaient également au
monde dans lequel évoluait Seiya, cette dimension fief du dieu du vin et de la
folie, Dionysos fils de Sémélé. Tous les objets dans le champ de vision de
Seiya paraissaient à la fois proches et lointains, opaques et transparents,
droits et tordus à la fois. Mais le serviteur d'Athéna n'en tenait pas compte,
concentré uniquement sur son but immédiat : convaincre un Dieu du bien-fondé de
sa cause. Et ce n'était pas une mince affaire.
- Son intention est de récupérer Athéna afin d'augmenter son emprise sur la Big
Will ! Et une fois qu'il y sera parvenu, il se fichera bien de savoir si tu
l'as aidé où pas… il veut être le maître absolu, et ne laissera aucun autre
dieu en vie, et détruira l'humanité du même coup !
- Tu es vraiment convaincu de ce que tu dis ? Zeus est un être sage. Jamais il
n'irait détruire d'autres dieux. Contrairement à vous, chevaliers d'Athéna, qui
n'avez pas hésité à mettre l'olympe à feu et à sang pour rassasier votre soif
de mort !
- Non, Dionysos. Nous ne sommes pas venus détruire l'olympe. Nous voulions
seulement soustraire Athéna de ce procès injustifié.
- Procès injustifié ? Je te rappelle qu'elle avait assassiné un dieu, et qui
plus est un des trois anciens. Elle avait commis un crime, et devait être
jugée. Quant à vous… vous avez répété ce crime de nombreuses fois depuis que
vous êtes arrivés en olympe. Vous serez donc certainement vous aussi jugés dès
que le procès d'Athéna sera terminé.
- Et par qui serions-nous jugés ? Une fois que Zeus aura récupéré Athéna, Il
détruira l'humanité et les dieux restants avec. Et toi aussi il te tueras.
Penses-tu qu'il ait le droit de faire ça ? Si le procès d'Athéna arrive à son
terme, Zeus deviendra tellement puissant qu'il n'y aura plus rien à faire. Il
sera le seul dieu existant, dans un monde ou l'humanité ne sera plus. C'est ça
que tu veux ? Toi, Dionysos, Dieu de la fête et du vin ? Je ne peut pas le
croire. Même si tu penses qu'il ne tuera pas les dieux restants, tu dois tout
de même être au courant de ses intentions pour l'humanité. Qui pourra bien
faire la fête lorsque l'humanité ne sera plus ? Pourras-tu vivre, toi le dieu
de l'ivresse, dans un monde ou l'homme ne sera plus là pour te vénérer par la
boisson ? Comment peux-tu penser qu'un tel monde serait vivable pour un dieu ?
Toi qui as toujours apprécié l'humanité, comment peux-tu accepter ça ?
- Tu n'as pas l'air de vraiment comprendre toute la situation… sache que je
suis au courant des intentions de Zeus presque depuis le départ. Mais si tu
veux comprendre mon point de vue sur cette affaire, laisse-moi d'abord te
raconter mon histoire…
*
Quatre corps. Immobiles. Quatre corps immobiles étendus sur le sol. Noir. Du
feu. Un grondement. Sourd. La chaleur. Brûlante. Hostile. Quatre corps
immobiles étendus sur un sol de pierres noires, sur les pentes d'un volcan
flamboyant, distillant une chaleur hostile à toute forme de vie, calcinant
toute parcelle de ce qui pourrait inspirer une sensation de bien-être chez ceux
qui viennent ici. Des boules de feu surgissent de la bouche béante du volcan,
venant s'écraser à proximité des quatre personnes inconscientes. Mortes ?
Peut-être.
Autour du volcan, un paysage dévasté. A perte de vue, d'autres volcans
rejettent régulièrement des pierres incandescentes. Des rivières de lave
sortant des bouches de ces montagnes monstrueuses forment un lac, une centaine
de mètres en contrebas de l'endroit où sont étendus quatre individus. Un lac…
plutôt une mer, un océan même, s'étendant à perte de vue, seuls les volcans
dépassant un peu partout de la rougeur incandescente.
Un ciel, noir, sans étoiles, zébré d'éclairs retombant sur les volcans, faisant
exploser les blocs de roche qu'il frappent. De temps en temps, les éclair
laissent apparaître par le jeu des ombres la véritable nature du ciel. C'est un
plafond, une voûte en fait. Un immense bloc de pierre, situé au dessus d'une
pépinière de volcans, dont quelque fois un bloc se détache, provoquant un raz
de marée flamboyant lorsqu'il s'abîme dans l'océan de feu.
Une épaisse fumée jaunâtre répandant une odeur de souffre est crachée
continuellement par les volcans, envahissant les poumons de ceux qui se
trouvent ici. L'atmosphère est lourde, la pression atmosphérique est de
beaucoup supérieure à celle de la terre.
Outre le grondement continuel dû au tonnerre et aux volcans, on peut entendre
un voix. Un cri continu, presque inhumain, poussé en chœur par des milliers de
voix. Ce cri de douleur provient d'en bas, de l'océan de flammes. Là, des
milliers d'être qui ont l'air d'avoir été un jour humains, crucifiés sur des
croix métalliques hérissées de pointes blanchies par la chaleur, sont plongés
jusqu'au bas-ventre dans le magma, hurlant leur douleur éternelle aux dieux qui
les ont condamnés. Lorsque quelquefois, une onde de lave vient les recouvrir
entièrement, seul ressort de la vague le squelette calciné de celui qui se
trouvait attaché à la croix. La chair se reforme ensuite lentement, permettant
à la douleur de réapparaître, plus terrible encore.
Près des quatre corps qui ne bougent toujours pas, un homme, muni d'une enclume
et d'un marteau, venait d'achever la construction de quatre nouvelles croix. Il
jeta un coup d'œil aux individus toujours étendus sur le sol, puis s'assit pour
se reposer quelques secondes avant de reprendre son travail. Il lui reste
encore à enchaîner les quatre nouveaux à leurs croix, puis à placer les croix
dans la lave. Il ne sait qui ils sont ni ce qu'ils ont fait pour mériter ce
sort, mais n'en a que faire. Il se contente d'effectuer la tâche qui lui a été
confiée il y a de ça bien longtemps, aux débuts de l'humanité. Il n'a pas
énormément de travail. Peu de gens échouent si bas, au plus profond des enfers.
Et la plupart mettent plusieurs jours avant de se réveiller après leur chute.
Il a donc le temps, et peut prendre quelques minutes pour se reposer avant de
se remettre au travail. Mais il n'a pas vu quelque chose. Derrière lui, l'un des
corps vient de bouger.
*
Dans la salle du trône de son palais, Zeus était en proie au doute. Avait-il
bien fait de l'envoyer ? Elle paraissait entièrement dévouée à sa cause, mais
qui pouvait dire ce qui se passait réellement dans l'esprit de cette déesse
fanatique ? Il n'avait pas eu vraiment le choix, mais regrettait un peu cette
décision.
Il l'avait envoyée parce que les choses étaient en train de tourner à son
désavantage. Pas le procès d'Athéna bien sur, il avait encore la majorité des
voix et le temps jouait pour lui, mais la bataille… la bataille qui faisait
rage en olympe, celle-ci tournait à l'avantage d'Athéna.
Et c'est pour cela qu'il avait choisi d'envoyer la plus incontrôlable des
déesses, et peut-être également la plus puissante. Le résultat était plutôt bon
pour l'instant, Némésis ayant déjà éliminé la menace que représentaient les
quatre chevaliers élémentaires. Mais la déesse de la vengeance restait un
danger potentiel, l'instabilité qui la caractérisait pouvant à tout moment la
faire se retourner contre le maître de l'Olympe…
Ce serait la première à éliminer après le procès. Car si jamais elle réalisait
ce que le dessein de Zeus signifiait réellement … elle pourrait considérer ce
complot comme le plus terrible des crimes, et sa puissance pourrait alors
s'élever à l'infini, menaçant même le dieu suprême… Il ne pouvait se permettre
de prendre un tel risque.
Enfin pour l'instant, il allait quand même la laisser s'occuper des guerriers
qui approchaient, il serait toujours temps de l'arrêter lorsque la victoire
sera acquise avec certitude. En attendant, il fallait régler le problème des
chevaliers restants. Dans l'antichambre du palais, Seiya, le tueur de dieux qui
avait échappé au contrôle de son créateur, et Héra se battait contre Hyoga, le
nouveau Dionysos se chargeait de dieu du froid… restaient Janus, le dieu de la
dualité, divisé en quatre parties, dont une était morte et une autre combattait
Déméter… Shiryu et Ikki, les chevaliers-dieux du dragon et du phœnix, qui
étaient en route vers le palais au sommet de l'olympe…
Et il y avait également le cas Apollon. Le propre fils de Zeus qui s'était
rebellé contre son père, prenant le parti d'Athéna dans la plus grande guerre
qui ait jamais déchiré l'Olympe…
Zeus n'avait pas vraiment le temps de chômer. Il restait beaucoup trop de
chevaliers en vie à son goût. Il s'apprêtait à quitter le palais pour aller
s'occuper en personne des deux chevaliers-dieux dépourvus d'adversaires,
lorsque quelqu'un entra dans la salle du trône.
*
- Quand as-tu été libérée, Némésis ? Zeus te gardait endormie depuis si
longtemps… Je n'aurais jamais cru qu'il en arrive à faire appel à toi. Enfin
venant de lui, plus rien ne peut plus m'étonner, après ce que j'ai vu ces
derniers temps…
-Il m'a invoquée pour appliquer la justice divine. Pour éliminer tous ceux qui
se retourneront contre l'olympe. J'ai déjà détruit quatre chevalier
élémentaires, et maintenant c'est ton tour Apollon…
- Jamais je ne me suis retourné contre l'Olympe. Je me suis retourné contre
Zeus, dont les plans diaboliques menacent l'humanité et les dieux. Zeus n'est
pas l'olympe, et s'il décide de trahir les dieux, même lui doit être arrêté !
- Imbécile ! Zeus est l'olympe ! Il est l'essence même de la divinité ! Il est
l'ordre divin ! Il ne peut avoir tort, et même s'il avait les intentions que tu
lui prêtes, ce serait toujours dans un souci de justice ! Et pour cela je le
servirais toujours, moi Némésis, déesse de la justice !
- Déesse de la vengeance aveugle en vérité. La justice d'un acte ne réside pas
dans celui qui l'exécute, mais dans l'acte lui-même. C'est ce que tu n'as
jamais compris, Némésis. Et c'est pour cela que je dois te tuer, toi qui
protège l'Infâme ! Great Sun Light !
Des mains d'Apollon s'échappa un rayon lumineux d'une puissance phénoménale.
Tout mortel qui aurait regardé cette lumière, ne serait-ce qu'un centième de
seconde, même en se trouvant à des kilomètres, aurait immédiatement eu la
rétine carbonisée à jamais. Mais lorsque Apollon cessa son attaque, Némésis se
tenait devant lui, comme si l'attaque ne l'avait en rien affectée.
- Tu croyais peut-être qu'un minable rayon de soleil serait capable de
m'abattre ? N'oublie pas que la justice divine est avec moi. Je te tuerais pour
ton crime. Tu ne peux plus rien y faire, la sentence à été prononcée, et
maintenant ton bourreau est devant toi.
- Je n'ai que faire de la justice divine, lorsqu'elle vient d'un dieu
inconscient dont le seul but est de régner en maître absolu sur le monde, et
qu'elle est appliquée par une fanatique folle furieuse !
- Tu blasphèmes ! La sentence n'en sera que plus terrible ! Holy Judgment !
Némésis abattit sa faux sur Apollon à une vitesse telle qu'elle semblait
quasiment dépasser celle de la lumière, et le dieu du soleil eut tout juste le
temps de bondir sur le coté afin d'éviter l'attaque. Concentrant son énergie,
il usa de sa plus puissante arcane de combat à moins d'un mètre de la furie à
la faux :
- Giant Supernovae!
Le grondement dû à l'explosion résonna dans tout l'olympe. Némésis fut projetée
à plusieurs centaines de mètres du lieu du combat, allant s'écraser contre une
colonne d'un temple - ou de ce qui fut il n'y a pas si longtemps un temple - à
proximité, tenant toujours fermement sa faux dans la main droite. Le sang
coulait sur le sol de marbre blanc, mais la déesse n'était pas encore morte,
l'éclair blanc signifiant la mort d'une divinité n'étant pas apparu. Tout au
plus était-elle inconsciente, assommée par la déflagration créée par le dieu
des arts, qui s'approcha du corps de la déesse afin de l'achever.
- Déesse du malheur, tu as déjà fait couler beaucoup trop de sang pour que je
te laisse vivre. Même si tes intentions ont toujours été de servir la justice,
tu as oublié ce que ce mot signifiait, et à présent tu vas mourir. Adieu,
Némésis.
Apollon leva le bras droit afin d'achever la déesse de la vengeance. Un cri de
douleur retentit. Le cri d'un dieu qui vient de réaliser son erreur. La faux de
Némésis avait coupé en deux le bras gauche d'Apollon dans le sens de la
longueur, passant entre le majeur et l'annulaire, puis se frayant un chemin
entre le radius et le cubitus, allant jusqu'à couper en deux l'articulation de
l'humérus.
*
- Comme le dit la mythologie, je suis né des amours de Zeus et de Sémélé, une
mortelle, il y a de cela bien longtemps. Mais la mythologie ne dit pas
uniquement la vérité. Sémélé n'était pas fille d'un roi, mais d'un fou, un
vieil ermite qui se prétendait roi. Simple paysan, il avait un jour décidé de
quitter sa vie faite de souffrance pour aller chercher la gloire dans des
contrées moins hostiles. Il avait d'ailleurs bien failli y arriver, et avait
épousé une fille de famille noble. Elle mourut assassinée, et jamais on ne
découvrit le tueur. Fou de douleur, il partit avec leur fille, Sémélé, et
s'installa dans le désert, près d'une oasis. Ils habitèrent là pendant plus de
quinze ans, ne voyant jamais personne. Mon grand-père perdit rapidement la
raison, et s'inventa un royaume. Sémélé s'efforçait de cultiver le blé et la
vigne, permettant ainsi à elle et à son père de survivre.
Lorsque Zeus la rencontra, il lui offrit une existence luxueuse en olympe. Mais
Sémélé refusa, préférant veiller sur son père, qui lui n'aurait quitté son
" royaume " pour rien au monde. Sémélé continua donc sa vie auprès de
son père, Zeus passant la voir régulièrement. Je suis né moins d'un an après
leur première rencontre.
Malgré son absence, Zeus était un excellent père, qui m'a toujours apparu comme
un être plein de bonté. A chacune de ses venues, il réitérait son offre de vie
dans l'olympe. Sémélé lui promit qu'elle serait venue si elle n'avait pas eu à
s'occuper de son père. Entre ma naissance et la mort de ma mère, il est venu
nous rendre visite plus d'une quinzaine de fois.
Je devais avoir cinq ans lorsque c'est arrivé. Je me suis réveillé un matin
pour trouver ma mère et mon grand père morts, tués par un dieu. Comment ai-je
pu savoir que c'était un dieu ? Il avait laissé des traces de cosmos divin.
Bien que n'ayant pas encore découvert ma propre divinité, j'étais déjà capable
de le détecter. Une sensation semblable à celle que j'éprouvais lors des
visites de mon père, mais différente. Le cosmos divin d'un autre dieu.
Malheureusement, si j'ai pu sentir que ce n'était pas Zeus, je ne connaissais
pas les autres dieux à l'époque, et je n'ai pas pu reconnaître l'auteur de ce
crime atroce. Et lors de mon arrivée en Olympe, le cosmos divin était tellement
omniprésent que je n'ai pas pu identifier l'assassin de ma famille. Aujourd'hui
j'en aurais certainement la capacité, mais tellement de temps a passé…
Zeus est arrivé quelques semaines plus tard. J'avais survécu sur les réserves
de nourriture qui restaient, mais elles s'épuisaient vite. S'il n'avait pas été
là, je n'aurais certainement pas survécu. Il m'a emmené avec lui en olympe, et
là il a fait de moi ce que je suis. Un dieu. Il m'a instruit, il m'a appris à
développer mon cosmos. Il m'a fait découvrir le septième sens, puis le
huitième, et enfin il m'a montré le chemin de la divinité. Sans lui, je serais
certainement mort à cette époque.
Puis, quelques années plus tard, il est parti. Mais il ne m'a pas abandonné. Il
m'avait promis qu'il reviendrait, et qu'à son retour, il m'aiderait à découvrir
la vérité sur la mort de ma mère.
Je n'étais qu'un enfant, même si j'étais le fils d'un dieu, destiné à en
devenir un moi-même. Mais ce destin a bien failli ne jamais être. Je lui doit
la vie. Et plus que la vie, je lui doit ma divinité. Je ne pourrais donc en
aucun cas le trahir. Il a été plus qu'un père pour moi. Il m'a donné la vie à deux
reprises. C'est également lui qui m'a permit de parfaire mon concept divin, en
m'offrant les vignes olympiennes, qui donnent le vin que l'on nomme nectar, et
le raisin que l'on nomme ambroisie. C'est pourquoi je ne puis supporter la
moindre idée de trahison envers le dieu suprême.
La seule raison pour laquelle je pourrais lui en vouloir…
*
La glace se refermait progressivement autour de la déesse Héra, qui gardait
toujours l'apparence de Natassia, la mère de Hyoga. Le chevalier du cygne
continuait son attaque, se félicitant intérieurement d'avoir pu vaincre si
facilement l'épouse du dieu suprême. Soudain, son regard croisa celui de la
déesse de la maternité, et le jeune dieu tomba à genoux, une larme coulant sur
sa joue. Le froid qui envahissait la pièce depuis un moment commença à
s'estomper lentement.
- Et bien chevalier, on dirait que ce n'est plus si facile que ça ? que
t'arrive-t-il, aurais-tu peur de me tuer ? peur de tuer celle qui est la déesse
de toutes les mères ?
- Sache que j'aurais pu te détruire. Mais je ne sais plus si je dois le faire.
Toute ma vie, on m'a dit que les sentiments ne pouvaient mener qu'à la défaite,
et toute ma vie, j'ai lutté pour pouvoir préserver cette part d'amour maternel
qui me restait. Et depuis que je suis devenu dieu, j'ai abandonné toute cette
part de moi-même. Je ne suis devenu que glace, même mon cœur était gelé au plus
profond de moi. Et grâce à cela j'ai pu accomplir des miracles. Mais je viens
de réaliser que ce n'était pas cela que je voulais. En continuant dans cette
voie, je n'aurait fait que m'éloigner de cette humanité pour laquelle je me
suis toujours battu. Même le dieu de froid a besoin de chaleur humaine.
Cependant, je dois tout de même te vaincre, pour Athéna, pour mes frères, pour
l'humanité. Mais pas comme ça. Je ne peut pas tuer une femme d'une manière
aussi inhumaine. Même toi, Héra. Même avec tous les crimes que tu as commis.
Même avec la haine que tu éprouves pour Athéna. Mais je dois quand même te
faire payer. Parce que tu as laissé mourir ma mère lors du naufrage. Et en tant
que déesse des mères et des épouses, tu n'en avais pas le droit.
*
Quel paysage étrange… Algébia reprenait peu à peu conscience, prenant
connaissance de son environnement. Un paysage d'apocalypse. Ainsi c'était donc
ça le Tartare, où sont enfermés les pires démons que la terre est porté, ceux
qui ont commis les crimes les plus abominables… c'était encore pire que tout ce
qu'il avait pu imaginer. La première sensation à lui parvenir était le bruit,
assourdissant, qui régnait ici aux tréfonds de la terre. Un énorme grondement
mêlé de cris inhumains, qui résonnaient dans toutes les directions… L'odeur
ensuite. Une odeur de souffre et de fumée qui brûlait les poumons tel un
brasier intérieur, empêchant quiconque de respirer. Puis la vue. La vue d'un
paysage immense, parsemé de volcans, surgissant d'un océan de feu…
Algébia se leva, prenant connaissance de son environnement. Il vit se
compagnons, toujours inconscients, il vit les croix et les chaînes destinées
aux quatre chevaliers élémentaire, et il vit l'homme s'approcher de lui. Un
colosse en tablier de cuir brun, portant dans sa main droite un marteau de
métal sombre semblant capable de détruire les étoiles elles-même, traînant une
croix hérissée de pointes de sa main gauche. Arrivé à moins de trois mètres
d'Algébia, l'homme adressa la parole au chevalier élémentaire du vide :
- Etonnant… c'est la première fois que quelqu'un reprend connaissance aussi
vite après avoir atterri ici. Enfin ca me fera un peu moins de boulot. Tu peux
te placer sur cette croix que je t'attache ?
- Tu crois que je vais aller moi-même me crucifier la-dessus ? Tu rêves un peu…
je vais plutôt trouver un moyen de sortir d'ici.
- Abandonne cette idée. Il est impossible de sortir du Tartare. Viens plutôt te
mettre sur cette croix, j'ai pas que ça à faire, j'ai encore trois condamnés
qui attendent.
- Tu ne sais pas à qui tu parles… sache que je suis Algébia, chevalier
élémentaire du vide, en mission sacrée afin de détruire la menace que
représente Zeus pour le monde !
- Tu es un chevalier élémentaire ? Ça explique que tu te sois réveillé si vite.
Tu as donc été jusqu'à menacer Zeus ? je comprend pourquoi tu as été envoyé
ici. Enfin cette fois tu viens te poser sur ta croix ou je t'encastre dessus à
coup de marteau.
Algébia se mit en position de combat face à l'homme au marteau. Il n'avait pas
de temps à perdre en bavardages inutiles, il devait retourner en olympe. Le
procès d'Athéna prendrait bientôt fin, et il fallait l'arrêter à tous prix.
Derrière le chevalier élémentaire, les silhouettes de ses compagnons
commençaient à bouger lentement.
- Puisque tu le prends ainsi, je sens qu'il va falloir te combattre… qui que tu
sois.
- Bien, enfin un peu d'animation… ça fait plusieurs siècles que je n'avais pas
eu l'occasion de me battre. Je me présente, Otheym, forgeron sacré
d'Héphaïstos, geôlier du Tartare au service d'Hadès.
*
- Zeus. Le dieu suprême. Voulant détruire l'Olympe et l'humanité… tu es
pathétique, roi des dieux.
- Tu es celui que l'on nomme Saga, n'est-ce pas ? Tu es bien placé pour me
faire la morale… toi qui te bats pour la déesse que tu as jadis tenté
d'assassiner !
- Saga n'est plus, Ô grand Zeus. Je suis Janus, dieu de la dualité divisé. Et
je suis venu te combattre.
- Ne présumes-tu pas un peu de tes capacités ? Jamais tu n'aura la force de me
vaincre ! tu l'as dit toi-même, tu es le dieu divisé. Tu n'espères pas me tuer
alors que tu ne dispose que d'un quart de ta puissance ?
Zeus se réjouissait intérieurement. Alors qu'il partait avec l'intention
d'affaiblir un peu plus les chevaliers-dieux, voilà qu'un ennemi venait se
jeter lui-même dans la gueule du loup !
Le fou… et pourtant il devait être conscient de ce qui l'attendait. Jamais un
dieu nouveau-né ne pourrait vaincre le premier de l'Olympe… surtout qu'il
devait partager son cosmos entre quatre corps différents !
Cette victoire facile le rapprocherait encore un peu du contrôle absolu de la
Big Will… non qu'il ait le moindre doute à son propos, les chevalier n'ayant
vraiment pas le temps d'arriver avant la fin du procès, et de toute façon même
s'ils y parvenaient… que pourraient-ils faire contre Zeus, le dieu suprême de
l'olympe, eux simples dieux mineurs venant à peine d'accéder au statut de
divinités ?
Le chevalier Pégase avait bien été dressé pour tuer les dieux, mais il n'avait
quand même pas la puissance nécessaire pour venir à bout du maître de l'olympe.
De plus, Dionysos s'occupait de lui, et bien que le dieu du vin ne soit pas un
combattant exceptionnel, il saurait parfaitement se débarrasser d'un dieu
nouveau-né.
Face à Zeus se tenait la part de Janus qui avait le corps de Saga, le chevalier
des gémeaux, observant le dieu suprême de l'Olympe avec un air de défi, comme
s'il se sentait de taille à lutter contre le fils de Cronos. Etrangement calme
malgré la situation, le nouveau dieu de la dualité semblait ne pas s'inquiéter
du combat à venir, comme si ce n'était qu'une petite escarmouche, une bagarre
de cours de récréation… pourtant ce combat à venir serait un combat à mort, qui
de plus jouerait certainement sur le sort de l'humanité toute entière !
Janus se mit en position de combat face à Zeus, et parla au dieu des dieux en
le regardant droit dans les yeux :
-Je ne pense pas pouvoir te tuer, Zeus. Mais je me doit tout de même de te
combattre, et de sortir vainqueur. Et sache que même si je meurs, il y a
plusieurs manières de vaincre.
*
- La seule raison pour laquelle je pourrais lui en vouloir, continua Dionysos,
c'est à propos de l'identité de celui qui a assassiné ma famille. Il m'avait
promis qu'à son retour, il m'aiderait à découvrir qui est celui qui a tué ma
mère. Et il ne l'as pas fait. Je suis certain qu'il sait quel est le dieu qui a
osé perpétrer ce crime atroce, et qu'il refuse de le dire. Pour cela je peux
lui en vouloir, et je ne pourrais lui pardonner que lorsque justice sera faite.
- Je…
Seiya n'arrivait plus à trouver ses mots. Bouleversé par l'histoire du dieu du
vin, il pensait à ce crime commis par un dieu… Un nom lui vint immédiatement à
l'esprit. D'après la mythologie, le dieu dont la personnalité s'accordait avec
ce genre d'actes envers les maîtresses de Zeus, c'était…
- Je sais ce que tu vas dire, j'y ai pensé aussi. Mais je n'ai jamais eu de
preuve. Juste des suppositions. Et les suppositions ne m'intéressent pas. De
plus, même si j'étais certain de son identité, je reste le dieu de la fête. Je
ne suis pas un guerrier, et je serais bien incapable de combattre efficacement
une telle personne. Je n'ai donc eu d'autres choix que de faire semblant d'oublier
cet épisode de ma vie pendant tous ces siècles. Mais aujourd'hui les choses ont
changé, les dieux vont peut-être tous mourir, et avant que cela arrive je veux
savoir. Je dois savoir.
- Dionysos, je…
- Je sais que tu vois où je veux en venir, Chevalier Pégase. J'ai envie de
conclure un marché avec toi. Je sais que tu es un homme de parole, donc je
pense pouvoir te faire confiance. Je te laisserais sortir d'ici, et en échange
tu devras obtenir avec certitude le nom de la personne qui a massacré ma famille.
Et si cette personne est toujours vivante… tu devras la tuer. Tu sera
l'instrument de ma justice. Où de ma vengeance ? de toute façon, je pense pas
que la différence doit être négligeable.
- Je… j'accepte ce marché, Dionysos. Et je suis heureux que tu aies changé
d'avis.
- Tu te trompes, je n'ai jamais changé d'avis. Que je te laisse quitter cette
dimension ne signifie pas que je n'essaierais pas de t'empêcher de tuer Zeus.
Pas plus que cela signifie que je tenterais pas de te tuer après. Je te laisse
seulement une seconde chance, un sursis. A toi de faire en sorte qu'il te soit
utile.
- D'accord, j'accepte ces conditions. Mais tu sais probablement que si tu
essaie de m'empêcher d'éliminer Zeus, je pourrais te tuer ?
-Je suis prêt à prendre ce risque. Mais n'oublies pas que si tu ne respectes
pas ta part du marché, la souffrance que je te ferais endurer sera pire que la
mort. Et aussi, un dernier petit détail… je ne peut pas te faire sortir de
cette dimension. Je peut seulement t'ouvrir un passage, mais il faudra que tu
le découvres par toi-même.
*
Pendant qu'Algébia faisait face à Otheym, les autres chevaliers élémentaires
reprenaient conscience un par un, découvrant lentement le monde d'horreur
qu'était le Tartare dans lequel ils avaient été envoyés. Ils découvraient les
volcans. Ils découvraient la fumée sulfureuse. Ils découvraient la voûte de
pierre et l'océan de lave, ils découvraient les cris des condamnés. Puis ils
découvraient leur compagnon, en position de combat face à un colosse armé d'un
marteau.
Ce fut Otheym qui attaqua en premier. Il s'était élancé sur Algébia avec une
vitesse extraordinaire, venant atteindre le flanc de son adversaire avec son
marteau, envoyant le chevalier élémentaire s'écraser sur le sol à plusieurs
mètres de distance avant qu'il n'ait pu esquisser un geste.
- Tu me déçois, chevalier. Je pensais que tu allais m'apporter un peu de
divertissement mais je vois que tu n'es même pas capable de parer un coup aussi
faible. Je vais donc devoir me contenter de t'immobiliser avant de t'attacher
sur ta croix. Dommage.
- Ne sois pas si sur de toi, forgeron, répondit Algébia en se relevant. Tu as
pu me toucher seulement grâce à l'effet de surprise de ton attaque. Mais tu
manques sérieusement d'efficacité. A mon tour maintenant de te montrer ce que
je sais faire ! Par le Chaos Originel !
Une sphère noire, d'une quarantaine de centimètres de diamètre, apparut entre
Otheym et Algébia, se rapprochant rapidement du forgeron.
- Impossible…
Le chevalier élémentaire du vide n'en croyait pas ses yeux. D'un seul coup de
marteau, son adversaire avait détruit le trou noir qu'il venait de créer ! Bien
qu'il ne fut pas un dieu, le forgeron disposait d'une puissance qui s'en
rapprochait fortement.
- Comment as-tu pu détruire ce trou noir avec un simple coup de marteau ?
- Contrairement à ce que tu sembles penser, ce marteau est loin d'être un
simple marteau. Il m'a été offert par Héphaïstos lui-même lorsque je suis entré
au service d'Hadès. Grâce à lui je suis invulnérable.
- Ne crois pas ça. Nombreux sont ceux qui se sont crus invulnérables et en sont
morts. A commencer par Hadès à qui appartenaient ces terres.
- J'ai ressenti sa mort il y a quelques temps. Mais cela ne change en rien ma
mission, qui est de te planter sur cette croix !
- Désolé de te décevoir, mais ma mission à moi est d'obtenir la défaite de
Zeus, et je ne peut pas me permettre de te laisser me faire perdre mon temps !
- C'est toi qui me fais perdre mon temps ! Hammer Hit !
Otheym frappa avec son marteau à la vitesse de la lumière en direction
d'Algébia, qui dévia le coup en frappant le marteau par dessus, dépassant la
vitesse du marteau envoyant l'énorme masse de métal s'écraser sur le pied du
colosse.
- Ce… c'est impossible ! comment as-tu pu aller plus vite que mon marteau, qui
pourtant atteignait la vitesse de la lumière ? C'est impossible.
Stupéfait par la vitesse qu'avait atteint Algébia, Otheym ne remarquait même
pas la douleur que lui causait le marteau qui venait de lui broyer les os du
pied. Un seul mot occupait son esprit : Comment ?
- Cela t'étonnes que j'ai pu dépasser ta vitesse ? réfléchis un peu et tu
trouveras la réponse… sache que tu n'as jamais atteint la vitesse de la
lumière. Surtout ici, où l'atmosphère est extrêmement lourde, je suis peut-être
le seul être humain à pouvoir y parvenir. Les mouvements de ton marteau ont été
ralentis par les frottement avec l'atmosphère. En tant que chevalier
élémentaire du vide, je peux éliminer l'atmosphère autour de moi, me permettant
d'aller à la vitesse réelle de la lumière. La différence est minime, mais elle
t'a coûté ton pied. Et bientôt elle te coûtera la vie.
*
-Alors, Apollon ? quelle sensation éprouves-tu en ce moment ? tu sais que tu as
perdu, et que la justice était de mon côté. Zeus vaincra, et les chevaliers
seront exécutés un à un. Et Athéna, la déesse qui a osé se dresser contre son
père, sera éliminée.
Il ne reste plus énormément de temps avant la fin de son procès. Et à ce moment
Zeus, le dieu suprême, le maître de l'Olympe, pourra récupérer la part de
lui-même dont il s'était séparé il y a bien longtemps. Il redeviendra alors cet
être parfait qu'il était autrefois, et terminera de purger la terre des maux
qui la rongent.
Mais tu ne seras pas là pour le voir. Tu as commis trop de crimes, Apollon.
Pourquoi t'es-tu dressé contre l'autorité de ton père ? Tu sais très bien que
tu ne peut t'opposer à la justice divine. Tu vas devoir payer pour ce que tu as
fait, et le prix sera ta vie.
Ton père a été très déçu, tu sais. Lorsqu'il m'a libérée, il était en colère
contre toi. Toi son fils préféré, tu as osé prendre parti pour Athéna, la
déesse qui s'est dressée contre l'Olympe dans le seul but de dominer les dieux
autant que les hommes, la déesse maudite qui a assassiné l'un des trois
anciens, et dont les serviteurs ont provoqués des massacres en olympe. Il m'a
demandé d'essayer de te ramener à lui. Mais je dois dire avec regrets que pour
une fois, il avait tort. Par ton association avec Athéna, tu es devenu un
traître, et les traîtres doivent mourir.
C'est pourquoi moi, Némésis, déesse de la justice, je te condamne, Apollon,
dieu des arts et du soleil, à la peine capitale, pour traîtrise envers l'olympe
et complicité de déicides. Sentence applicable immédiatement.
Chapitre précédent - Retour au sommaire - Chapitre suivant
Cette fiction est copyright Ronan Leroy.
Les personnages de Saint Seiya sont copyright Masami Kurumada.