Hypnos, Hilda et les autres guerriers divins
s'acheminaient rapidement vers la sortie du Niffheim, c'était un voyage
assez long car la téléportation ne pouvait fonctionner dans le domaine
d'un autre dieu. Peu à peu les guerriers divins morts au combat
retrouvaient une certaine lucidité qui était autant due à l'extinction du
cosmos de Hell qu'à l'aura de l'œil de Wotan qu'Albérich tenait encore
dans sa main. Taraudé par la curiosité Mime qui était celui des
guerriers divins qui avait retrouvé le plus de lucidité sortit de sa
réserve habituelle et s'enhardit jusqu'à marcher aux côtés d'Hypnos, ce
qui lui était rendu facile par l'absence d'Hilda et Bud qui se trouvaient
respectivement aux côtés de Siegfried et Syd. Le guerrier divin de
Venetasch questionna Hypnos sur toutes sortes de choses et plus
particulièrement sur les évènements qui s'étaient produits depuis la
bataille d'Asgard. Hypnos répondit à toutes ses questions avec
amabilité et sans mettre entre eux la distance qu'on met habituellement
entre un dieu et un homme. Il lui conta la fin de la bataille d'Asgard,
la défaite de Poséidon puis la guerre sainte que les chevaliers d'Athéna
avaient dû livrer contre Hadès, il fut assez évasif sur les projets
d'Hadès concernant la Terre car son maître ne l'avait jamais réellement
tenu informé de l'évolution de ses états d'âme. Contre toute attente
Mime ne fut nullement choqué par le récit d'Hypnos, les souffrances
qu'auraient pu endurer les hommes à cause de l'Ultime Eclipse lui étaient
assez indifférentes, au fond il se demandait si la Terre toute entière ne
se serait pas ainsi transformée en Asgard et il voyait une certaine
justice dans cette évolution. Et puis surtout Mime avait conservé ce
formidable don de lire dans le cœur des hommes et il voyait bien qu'il n'y
avait rien de mauvais dans Hypnos, sa répugnance à donner la mort
suffisait à lui prouver qu'il n'était pas un monstre. Quant à Hadès…
Mime avait des doutes sur ce personnage. D'après ce que lui en avait dit
Hypnos le seigneur des Enfers était mû par un profond dégoût des hommes
mais dans toutes ses actions il n'était jamais sanguinaire ou emporté à
l'inverse de Poséidon. Et puis Mime sentait l'emprunte d'Hadès dans le
cosmos d'Hypnos, un cosmos sombre mais qui reflétait la tristesse qui
étreignait le cœur de son maître, un cosmos teinté de larmes… Mime ne
connaissait que trop bien le poids du fardeau de la tristesse, de la
douleur, ce fardeau il l'avait porté pendant des années après s'être rendu
responsable de la mort de Volkel. Il ressentait ainsi pour Hypnos une
sorte de sympathie spontanée. De son côté Hypnos, sans avoir une
affection excessive pour les êtres humains, ne les détestait point. S'il
avait choisi il y avait de cela très longtemps de rallier la cause d'Hadès
c'était par instinct de survie : il s'était rendu compte comme d'autres
dieux avant lui que la dévotion des hommes diminuait sans cesse, en fait
plus Athéna protégeait les hommes contre le juste courroux des dieux plus
les dieux tombaient dans l'oubli… L'oubli… Cela Hypnos ne pouvait
l'accepter, pas plus que Thanatos. Il avait compris que les hommes ne
respectaient plus les dieux car ils ne les craignaient plus vraiment…
Quelle solution adopter alors ? Il avait été tenté de rejoindre le camp
d'Athéna mais celle-ci n'avait que faire du respect des hommes, ses
temples tombaient en ruines, ses autels étaient de plus en plus vides et
l'île sacrée serait bientôt le seul vestige de sa puissance. Hadès,
lui, proposait de restaurer la puissance des dieux, non pas détruire les
hommes mais les rééduquer, leur réapprendre le respect. A quoi bon être
puissants si ce n'est pas pour dominer ? Ce raisonnement Hypnos le
suivait et l'acceptait très bien mais il sentait que son maître ne
détestait pas les hommes, il ne les voyait pas non plus comme des esclaves
ou de la vermine à l'instar de Poséidon, non, il se sentait concerné par
eux, il était triste pour eux… Il était triste de constater que les
hommes étaient incapables de vivre heureux, même après avoir tué les dieux
auxquels ils devaient le respect, les hommes n'étaient pas heureux, ils ne
parvenaient jamais à trouver le bonheur en fait ils ne savaient pas se
contenter de ce qu'ils avaient. A quoi bon continuer à vivre ainsi ?
Les hommes devaient être repris en main par quelqu'un d'assez divin pour
attirer leur respect et d'assez humain pour ne pas régner en tyran, cette
personne, Hypnos l'avait toujours cru c'était Hadès et c'était pour cela
qu'il avait choisi de lier son destin au sien. Les guerriers divins et
Mime en particulier symbolisaient quelque chose qu'il appréciait
particulièrement : des hommes respectueux et dévoués. Il avait beaucoup
apprécié que Bud et Hilda partent risquer leur vie dans cette contée
perdue qu'était le Niffheim pour satisfaire au désir du seigneur Odin. De
plus Mime s'était adressé à lui avec tout le respect qu'un mortel devait à
un dieu, il ne l'avait pas interrogé outre mesure sur ses motivations, il
était un dieu, un être qui possédait une expérience inestimable et cela
suffisait à motiver son respect. De plus son tempérament lui plaisait,
il aimait son détachement et son air rêveur derrière lequel il discernait
une certaine mélancolie, Mime n'était pas un homme emporté et pour cette
seule raison il lui plaisait.
Au bout d'un temps assez long, en
tout cas trop long au goût d'Hypnos qui plus que toute chose ne voulait
pas faire attendre sa majesté Hadès, ils parvinrent à la sortie du tunnel
sous-marin par lequel Hilda et Bud s'étaient engouffrés. Hypnos hocha
alors la tête d'un air satisfait.
- Hum, je ne sens plus les
vibrations de l'aura de Hell, cela signifie que nous sommes maintenant
assez loin du Niffheim pour pouvoir nous téléporter jusqu'à
Asgard.
Hypnos fit signe aux autres guerriers divins de se
rassembler autour de lui de façon à effectuer la téléportation, à ce
moment Hilda se précipita plus qu'elle ne s'avança vers lui.
-
Attendez !
Hypnos fut surpris, quelle raison pouvait-elle avoir de
vouloir rester plus longtemps dans ce lieu maudit qu'était le Niffheim
? Il se força toutefois à faire preuve de diplomatie.
- Oui
princesse ? Qu'y a-t-il pour votre service ?
Hilda fit une
révérence gracieuse.
- Seigneur Hypnos, nous avons quelques
obligations à remplir avant de pouvoir nous en retourner en Asgard. -
Hum, s'il s'agit de dire une prière pour le repos des guerriers victimes
de l'ambition de Hell ce souci vous honore mais laissez-moi vous donner ce
conseil : il vaudrait mieux que cette prière soit courte car le temps de
sa majesté Hadès est précieux et si vous le lui volez, vous, moi pourrions
subir son juste courroux. - Il ne s'agit pas de cela. - De quoi
s'agit-il alors ? - Lorsque nous cherchions l'entrée du Niffheim nous
avons fait la connaissance d'un géant nommé Aegir qui nous a montrés le
chemin et nous a invités à partager son souper à notre
retour.
Hypnos était perplexe : d'un côté il n'avait pas été mis au
courant de cette invitation, d'un autre côté ce géant leur avait montré le
chemin et il aurait été de la dernière impolitesse de dédaigner son
offre.
- Eh bien il me semble que cette invitation ne concerne que
Bud et vous-même, il serait donc logique que vous vous y rendiez tous deux
pendant que je ramène vos compagnons à Asgard.
Un éclair de colère
passa dans les yeux d'Hilda, comment un dieu pouvait-il autant manquer de
savoir-vivre ? De plus elle n'avait pas entièrement confiance en lui et
aurait préféré que ce soit un envoyé d'Odin et non d'Hadès qui vienne
chercher les guerriers divins.
- Vous vous égarez seigneur Hypnos
il me semble. Bud et moi sommes venus dans ce lieu maudit où nous avons dû
prendre la vie de personnes qui n'avaient pas de mauvaises intentions pour
sauver nos amis et maintenant vous nous demandez de les abandonner entre
vos mains ! Sachez que nous ne rentrerons pas à Asgard sans
eux.
Hypnos fut surpris de rencontrer une telle résistance chez
elle, il comprenait tout à fait la justification des arguments de la
princesse Hilda mais ce souper modifiait dangereusement les plans de son
maître à l'endroit des guerriers divins. Il se souvenait encore des
paroles d'Hadès : " Hypnos. Hilda et Bud ont accompli leur quête mais ils
sont toujours en grand péril. Rends-toi dans le Niffheim et ramène Hell à
la raison par la force si nécessaire puis ramène les guerriers divins à
Asgard, cela devant le moins de témoins possibles. "
- Ecoutez
Princesse, moins il y aura de personnes au courant de la résurrection des
guerriers divins mieux cela vaudra pour vous comme pour moi. - Je
comprends votre point de vue mais en tant que représentante terrestre
d'Odin je me dois aux devoirs qu'exige ma charge et j'irai voir Aegir même
sans vous.
Hilda fixa Hypnos droit dans les yeux, s'efforçant de ne
pas être troublée par leur couleur d'or puis avança à pas lents vers
lui. Au moment de le dépasser elle fit volte face pour intimer l'ordre
aux guerriers divins de la suivre. Seuls Mime et Albérich ne
l'imitèrent pas. Hypnos dut se rendre à l'évidence : il n'avait pas
d'autre choix que de satisfaire au désir de la princesse Hilda. Il n'osait
même pas imaginer la contrariété de sa majesté Hadès s'il lui ramenait une
garde incomplète. Hypnos se retourna vers Hilda, son regard était si
perçant qu'elle ne put retenir un mouvement de recul. Hypnos fit un pas en
avant, Siegfried, pressentant le danger l'imita, mais Hypnos passa côté
d'Hilda sans lui accorder un regard puis sans se retourner il articula
: " Venez guerriers d'Odin allons répondre à l'invitation du géant
Aegir. " Et tous lui emboîtèrent le pas. Au moment de sortir
définitivement du Niffheim Hypnos se retourna vers les guerriers divins et
les apostrophant familièrement comme s'il énonçait un fait banal
:
- Ah oui, j'oubliais. A la minute où vous avez franchi les
limites du Niffheim vous êtes revenus à la vie.
Tous les auditeurs
à part Hilda et Bud scrutaient leurs corps en essayant d'y trouver une
trace familière qui leur prouverait qu'ils étaient bien vivants.
-
Mais alors cela veut dire que… - Oui, vos âmes ne font maintenant plus
qu'une avec vos corps. Je comprends votre étonnement mais gardez à
l'esprit que les âmes des mortels sont physiques car elles ne sont pas
immortelles comme celles des dieux, vous avez dû vous en rendre compte
d'après les souffrances que vous avez subies dans le Niffheim. Pour ce qui
est de l'absence de blessures sur votre corps, cela relève pour un dieu du
tour de passe- passe.
Hypnos perçut un geste de la part de Mime
qu'il prit pour un geste de gratitude.
- Non, ne me remerciez
surtout pas. Je n'ai fait qu'obéir aux ordres de sa majesté et puis… et
puis quand vous connaîtrez votre destin, peut-être serez-vous moins
empressés à me remercier.
Grotte d'Aegir
Aegir
était resté prostré depuis le départ de Bud et Hilda, des rides
commençaient à strier son front, signe de l'inquiétude qui le
rongeait. Il regardait fixement un objet qui se trouvait en face de
lui, un chaudron, le chaudron d'Aegir. Ce chaudron existait depuis les
temps mythiques et comme la plupart des objets qui furent forgées en ce
temps il possédait des pouvoirs magiques. Aegir tentait de se
concentrer sur Bud et Hilda mais son esprit errait vers son chaudron,
celui-ci dégoulinait d'une substance rougeâtre et la vapeur qu'il
dégageait donnait à penser que quelque agréable mets y cuisait en ce
moment. Aegir fronça les sourcils puis secoua son auguste tête faisant
ainsi tomber quelques étoiles de mer collées à sa chevelure, il ne devait
pas respirer les vapeurs que dégageaient son propre chaudron sans quoi il
n'aurait plus aucune chance de pouvoir mener son plan à bien. Il
repensait à sa vie qui avait été longue comme le fait un homme qui se
prépare à la mort… la mort… Il l'avait vue de très près lors de cette
terrible bataille qui avait opposé les Ases aux Vanes il y avait de cela
très longtemps. En ce temps là il pouvait se permettre de se montrer
assez insouciant, il partageait son temps entre l'éducation de ses filles
et la réception de ses invités parmi lesquels le vieux Njord dieu de la
mer. Njord, le dieu de la mer… Cela faisait bien longtemps qu'il ne
l'avait plus vu, il supposait que lui aussi avait été emporté dans cette
grande tourmente qu'avait été le Ragnarok. Le Ragnarok ! Aegir sentait
une douleur lui nouer l'estomac à la seule pensée de ce nom maudit, jamais
il n'aurait pensé qu'un tel carnage fût possible ! Lui un géant, un
membre de la tribu des Vanes aurait dû combattre les Ases (les dieux) de
toutes ses forces mais il ne l'avait pas fait et les conséquences en
avaient été catastrophiques ! A cause de sa neutralité dans le conflit
aucun des deux camps n'avait pu l'emporter et en désespoir de cause les
Ases survivants avaient dû se résoudre à glacer la quasi totalité de
l'Ygdrasil pour que ce dernier ne tombe pas entre les mains des
géants. Parce qu'il était resté neutre, parce que lui et les siens
n'avaient prêté main forte à aucun camp le monde de la surface était
devenu un enfer glacé et les Géants s'étaient endormis à jamais sur le
flanc des montagnes. Parce qu'il n'était pas intervenu, mais le
pouvait-il ? Il avait toujours été l'ami des dieux sans être l'ennemi
des Géants dont il était issu, jamais il n'aurait imaginé que la rivalité
entre les dieux et les Géants, les Ases et les Vanes aurait pu les pousser
aussi loin et pourtant… Depuis lors il vivait reclus au fond des
océans, honteux de son inaction, tentant de se soustraire aux regards des
derniers survivants des Ases et des Vanes. Pendant longtemps il avait
cru que la tension était retombée : après le Ragnarok Hell avait
docilement accepté la domination d'Hadès, le seul et unique maître du
monde souterrain. Hadès… Bien qu'il ne l'ait jamais rencontré Aegir
connaissait sa formidable puissance, il était un des trois premiers êtres
éveillés au Big Will, après l'avoir emporté sur les Titans il avait imposé
sa loi à toutes les divinités des autres panthéons qui prétendaient
gouverner le monde souterrain à sa place. Ce fut d'abord le tour
d'Osiris, celui-ci avait été pardonné après sa défaite, Hadès lui avait
permis de superviser le jugement des âmes égyptiennes et même de conserver
une sorte d'Enfer personnel qui se réduisait maintenant à la 2ème prison
gardée par l'un de ses anciens serviteurs, Pharaon du Sphinx, mais même
ainsi il était vassal d'Hadès. Pour Hell les choses avaient été un peu
différentes : Hadès l'avait emporté une fois de plus mais, conscient de
l'engorgement des Enfers et des difficultés d'organisation des juges il
lui avait permis de garder un domaine propre en échange de son allégeance
et surtout il avait exigé que l'âme d'Odin et son corps restent à Elysion
de façon à pouvoir le ressusciter si l'envie lui prenait un jour de
restaurer la puissance des Ases. Bien qu'il ne fût pas au courant de la
guerre sainte qu'Athéna avait menée contre Hadès Aegir était certain qu'en
secret Hell tentait de reconstituer sa puissance au mépris des accords
passés et son objectif ne pouvait être que la destruction des derniers
avatars des Ases : les guerriers divins qui défendaient toujours le
royaume d'Asgard. Il était maintenant confronté à un choix difficile :
Bud lui avait appris, assez imprudemment d'ailleurs, qu'Odin était revenu
à la vie. D'un autre côté il savait que le réveil d'Odin entraînerait sans
doute celui des Géants, une guerre allait sans doute éclater et il lui
fallait choisir son camp car cette fois il s'était juré de ne pas manquer
à son devoir. Qui choisir ? Hell ? Sa puissance s'accroissait très
vite, de nombreux dieux dont Svaja et Holder avaient rejoint ses rangs, de
plus les Géants se rallieraient sans doute à elles en cas de conflit. D'un
autre côté il était sûr qu'Hadès opposerait son veto à toute guerre menée
à son insu par l'un de ses vassaux mais était-il en état d'intervenir
? Odin ? Des Ases il ne restait que les guerriers divins et les
récentes nouvelles qu'il avait eues d'eux lui laissaient penser qu'ils
avaient été décimés. Odin avait peut-être ressuscité mais sans son œil et
surtout sans l'aide d'Hadès il ne tiendrait pas longtemps. Aegir en
était maintenant totalement convaincu : il devait rallier le camp de Hell
et pour lui donner un gage de bonne foi il allait lui livrer Hilda, Bud et
leurs éventuels compagnons sur un plateau. Son regard se posa alors sur
son chaudron, grâce à lui il allait offrir aux guerriers divins un sommeil
éternel.
*
* *
Lorsque Hypnos, Hilda et leurs compagnons
arrivèrent à l'entrée de la grotte sous-marine d'Aegir ils furent
accueillis par Ran la ravisseuse, ainsi nommée parce qu'elle piégeait les
navires dans ses filets. Son éclatante beauté surprit puis enchanta les
plus viriles des guerriers divins, Bud se força à lui faire bon visage et
Hilda la pria poliment de les conduire en présence d'Aegir mais négligea
de lui présenter ses compagnons et en premier lieu Hypnos. Ils
trouvèrent donc Aegir assis dans son trône, tenant toujours son épée
dentelée d'une main ferme tandis que son buste était recouvert d'une
armure d'écaille de couleur dorée qui même si elle ne pouvait être
comparée à celles des généraux du point de vue de la stylisation lui
donnait fière allure. Il ne parut pas de prime abord surpris de voir
Bud et Hilda revenir du Niffheim en si grande compagnie et fit bon accueil
aux guerriers divins mais il s'arrêta devant Hypnos.
- Je ne
reconnais pas le signe qui orne votre front comme étant celui d'Odin.
Comment avez-vous dit que vous vous appeliez ?
Hypnos resta
impassible mais aucun sourire ne passa sur ses lèvres.
- Je n'ai
rien dit.
Aegir hésita entre la colère et l'amusement.
-
Vous avez raison mais j'aimerais connaître la nature de la marque que vous
portez au front. - C'est une information qui a un prix mais pour
l'instant sachez seulement ceci : le maître que je sers a laissé ce signe
sur mon front le jour où il a fait de mon frère et de moi-même des
dieux. - Des dieux ?
Aegir parut très étonné. Il existait certes
des dieux dans le panthéon scandinave mais presque tous n'étaient que des
hommes éveillés au 7ème sens qui s'étaient fait passer pour des dieux aux
yeux de leurs semblables. Si cet homme avait été originaire du Nord il
n'aurait pas été inquiet mais cet homme semblait venir du Sud et il en
savait suffisamment sur le panthéon grec pour savoir que ne pouvaient se
nommer " dieux " que les êtres s'étant éveillés au 9ème sens. D'autre part
cet homme étrange avait dit que quelqu'un avait fait de lui un dieu et ce
pouvoir n'appartenait qu'aux dieux majeurs qu'étaient Poséidon, Zeus et
Hadès. Se pourrait-il que ? Non cela ne se pouvait. Chassant ces
mauvaises pensées de son esprit Aegir fit son meilleur visage à ses
invités et les emmena courtoisement à l'intérieur de sa grotte
sous-marine. Cet endroit était émergé mais l'humidité ambiante était
perceptible pour tous, les guerriers divins furent émerveillés par le
décor de la grotte : on y voyait des reliques de l'ancien temps, des mâts
de bateaux vikings, des ceintures à boucle, des armes en or
massif… Même pour les guerriers divins qui vivaient à Asgard dans un
contexte un peu intemporel cet endroit était merveilleux, on se serait cru
avant le Ragnarok. Hilda ouvrit la bouche pour demander d'où venaient
toutes ces merveilles mais le regard noir que lui lança Hypnos lui fit se
rappeler la légende de Ran la ravisseuse de bateaux. Aegir prit la
parole une fois que tous ses hôtes furent confortablement
installés.
- Mes amis, vous ne pouvez deviner à quel point le fait
de recevoir de nobles seigneurs au service d'Odin comble mon cœur
d'allégresse. Je lève donc mon verre à Odin seigneur d'Asgard et à notre
amitié.
Un silence parcourut l'assemblée puis Hilda se décida à
prendre la parole.
- Hum nous n'avons pas de verre pour trinquer
avec vous. - La tradition, princesse, veut que l'hôte lève sa coupe en
premier à la santé de ses invités puis qu'il attende que ses invités aient
rempli la leur et qu'ils la vident à sa santé. N'hésitez pas, remplissez
vos coupes dans ce chaudron.
N'ayant rien mangé depuis plusieurs
jours les guerriers divins prirent tous une coupe puis attendirent que les
gracieuses filles d'Aegir viennent les servir. Quelque peu réticent le
géant Tholl se laissa convaincre par un sourire enjôleur de l'une des
sirènes, il en fut de même pour Hagen et Siegfried. Fenryl vida sa coupe
si vite et si goulûment qu'on eut dit que c'était la première fois qu'il
se servait de cet ustensile. Bud, agacé par les avances d'une Sirène
avala également le contenu de sa coupe de façon à ne pas être tenté de
frapper une des filles de son hôte. Hilda leva la sienne à la santé "
d'Aegir le généreux géant des mers symbole de la nouvelle entente entre
les Ases et les géants ", Albérich, diplomate l'imita avec un
sourire. A la fin il n'y eut plus que Hypnos et Mime qui n'avaient pas
touché à leur coupe, Aegir s'en étonnant leur en fit la remarque.
-
Eh bien mes seigneurs, voulez-vous insulter votre hôte en refusant son
hospitalité ?
Mime ne répondit pas mais il regardait intensément la
belle Ran qui se tenait face à lui et ce qu'il voyait dans ses yeux ne
semblait pas le contenter. Hypnos prit la parole.
- Le maître
que je sers m'a un jour parlé des Ases et de leurs coutumes. Il avait fait
référence à un chaudron magique en perpétuelle ébullition bien qu'il se
trouve sous les océans. Il me conta que jadis le dieu Njord aimait à
oublier ses soucis dans la boisson qu'offrait ce chaudron, il pouvait
ainsi dormir pendant des jours et des jours sans se réveiller et quand il
le faisait il avait l'impression que cela n'avait duré qu'une minute. Il
me conta aussi qu'aucune force au monde ne pouvait réveiller Njord quand
il se laissait prendre au piège du chaudron magique, seul son meilleur ami
pouvait le faire car il était le détenteur des pouvoirs du
chaudron…
Aegir tentait de conserver son calme mais des sueurs
froides coulaient dans son dos et il ne parvenait pas à masquer le
tremblement de son échine.
- Votre maître sait apparemment beaucoup
de choses, vous a t-il dit qui était cette personne qui pouvait contrôler
le chaudron ?
Hypnos eut un sourire ironique.
- Non il ne
l'a pas dit mais cela eût été inutile… Le nom d'Aegir le géant des mers
était bien connu en Asgard avant que les Ases ne
disparaissent.
Hilda, Bud et les autres guerriers divins manquèrent
de s'étrangler de surprise, tous regardaient leurs coupes comme s'il se
fût agi d'un serpent prêt à mordre, leur regard se posa ensuite sur les
sirènes. Ces dernières souriaient mais la flamme qui éclairait leurs yeux
brillait d'un éclat inquiétant. Ran ouvrit la bouche et un son
mélodieux en sortit, les sirènes reprirent en chœur. Subitement les
guerriers divins eurent l'impression que leurs paupières devenaient plus
lourdes puis qu'une force irrésistible les plaquait au sol. Hilda parce
qu'elle était une femme fut la dernière à succomber au sort des sirènes
mais bientôt, malgré ses efforts elle sentit les ténèbres l'entourer, elle
se tourna alors vers Hypnos et lui dit en tendant la main vers lui dans un
geste de supplication :
- Sa majesté, vous devez avertir sa… maj …
esté.
La main blanche d'Hilda retomba inerte sur le sol. Hypnos
ne lui accorda pas un regard.
- Vous vous êtes laissés prendre à un
piège grossier, ne comptez pas sur moi pour déranger sa majesté pour un
événement aussi trivial.
Mime n'avait rien dit mais il sentait
qu'une bataille allait avoir lieu et il se sentait incapable de la livrer
sans sa lyre enchantée. Il s tourna alors vers Hypnos.
- Seigneur,
vous ne comptez pas… vous battre en ces lieux. Je veux dire seul face à
autant d'ennemis.
Hypnos resta stoïque, il ne portait aucune
protection mais rien dans son attitude ni son maintien n'indiquait qu'il
se sentait en danger. Il regarda Mime de ses yeux couleur d'or puis ouvrit
la doublure de sa longue toge, il en sortit une lyre.
- Tiens Mime,
cette lyre a appartenu au chevalier Orphée, sa majesté n'a pas voulu que
nous nous en débarrassions dans le Cocyte et elle fait partie des objets
que ce bon Egée a pu sauver de la destruction.
Mime saisit la lyre
avec délicatesse, elle était comme neuve, avec un tel instrument il se
sentait moins vulnérable. Hypnos se retourna alors vers Aegir.
-
Eh bien qu'attendons-nous géant ? - Je voudrais connaître ton
nom.
Hypnos ne laissa aucune émotion transparaître sur son
visage.
- D'accord mais en échange de ta vie.
Aegir n'eut
aucun mouvement de recul, il ordonna d'un geste à sa femme et à ses filles
de s'éloigner et de s'occuper de Mime.
- Je vais corriger moi-même
ce dieu impudent.
Mime s'éloigna suivi de très près par les
sirènes.
Hypnos et Aegir se retrouvèrent seuls face à
face. Aegir fut le premier à rompre le silence.
- Allons mon
cher dieu, dansons ensemble !
Hypnos
Aegir se
précipita sur moi avec une vivacité inattendue chez un homme de sa
corpulence, saisissant sa lourde épée dentelée à deux mains il commença à
attaquer. Je pris mon temps pour éviter ses coups car je voulais
estimer à quelle vitesse il les portait. Ses coups partaient très vite
au point que n'importe quelle mortel aurait eu l'impression de voir non
pas une lame d'épée fendre l'air mais des millions à la seconde. Nul
doute n'était permis : ce géant maîtrisait la vitesse de la lumière, il ne
s'agissait donc pas de le sous-estimer comme nous autres avions trop
tendance à le faire avec des ennemis d'un rang inférieur car même pour un
dieu il n'existe pas de vitesse plus grande que celle de la
lumière. J'observais l'attaque d'Aegir, c'étaient des assauts purement
physiques portés à un intervalle identique, il fallait donc que je
parvienne à anticiper ses mouvements pour détourner son attaque. Jusque
là j'avais utilisé la vitesse de la lumière pour reculer toujours plus en
arrière vers la sortie de la grotte, de cette façon ses coups d'épée
m'arrivaient en atténuée et je disposais de plus de temps pour les parer.
Au bout d'un moment je me retrouvai dos au mur, c'est à dire que je ne
pouvais plus reculer davantage sans me retrouver dans la mer. Aegir
marqua un temps d'arrêt pour savourer cet instant de plénitude.
-
Eh bien seigneur dieu on dirait que ta force n'est pas si redoutable que
ça et je pourrai bientôt offrir votre tête à mes futurs maîtres. -
Qu'est-ce qui te fait croire que le combat est achevé ?
Aegir
sourit, ce qui eut pour effet de rouvrir les cicatrices que sa barbe
dissimulait.
- Tu as des tics au moment d'esquiver, je les ai tous
repérés, c'est la fin ! " Aegir Scale Sword ! "
Il me sembla à ce
moment que l'épée d'Aegir soulevait autour d'elle une vague déferlante,
très bonne tactique mais malheureusement pour lui je suis tout à fait
capable de discerner le tracé de cette attaque même si elle est portée à
la vitesse de la lumière. Jusque là j'avais toujours esquivé par un
mouvement de coté vers la droite, cette fois j'esquivai en me jetant sur
la gauche. L'épée d'Aegir ne frappa que l'air. Maintenant !! Cet
inconscient avait laissé un angle mort dans sa défense en anticipant que
je parerais par la droite, il me fallait en profiter ! J'envoyai alors
mon poing vers le flanc gauche d'Aegir, imprudemment dégarni et y fit
exploser mon cosmos. Aegir fut projeté à une dizaine de mètres avant de
s'encastrer dans la paroi de la grotte. Il se releva péniblement en
essuyant le sang qui coulait de ses lèvres et en se massant les
côtes. Il tourna alors vers moi un regard rempli de haine mais où je
distinguais aussi de l'excitation.
- Comment ? - C'est très
simple : j'ai évité ton attaque 8 fois de la même manière de sorte qu'au
neuvième assaut tu as anticipé une esquive de même nature et laissé un
angle mort dans ta défense, il m'a alors suffi de me déplacer vers la
gauche et de vous frapper au niveau de cet angle mort.
Aegir se
releva lentement puis hocha la tête.
- Très bien, j'ai honte de ma
stupidité, accepte mes excuses dieu du sud car tu es un adversaire de
valeur.
Je ne bougeai pas d'un cil, qu'attendait-il de moi au juste
? Il avait commis une erreur qui aurait pu lui coûter la vie mais c'est en
reconnaissant ses erreurs que le guerrier devient plus fort. Aegir
releva la tête.
- J'ai toutefois une question à te poser. Tu aurais
pu me tuer à ce moment et pourtant tu t'es contenté de me blesser,
pourquoi ? Serait-ce de la pitié ou alors hésiterais-tu à frapper de
toutes tes forces au moment fatidique ?
Je haussai les
épaules.
- Il y a sans doute un peu des deux mais retiens bien ceci
toutefois : où que je me trouve j'obéis toujours à la volonté du même
maître et ce maître n'aime pas les combats inutiles. Ecoute Aegir, la
blessure que je t'ai infligée prouve que tu ne connais pas parfaitement le
7ème sens, ta défaite ne fait aucun doute et tu le sais, relâche Hilda et
les autres et restons-en là.
Le géant parut hésiter, dans ses yeux
passaient des images de batailles qui avaient eu lieu dans les temps
anciens, le massacre des géants, la glaciation d'Asgard… Tout ça à cause
de lui ! Non l'histoire ne pouvait se répéter !
- Ecoute-moi bien
dieu du sud ! Je suis Aegir le géant des Mers du Nord et par une fois déjà
j'ai manqué à mon devoir envers ma race mais cela ne se reproduira plus !
Je ne connais pas l'issue de ce combat mais je peux t'assurer que ce soir
l'un de nous deux sera mort !
Je retirai alors la main que je lui
avais tendue, mon regard se fit plus dur.
- Très bien, j'ai voulu
te laisser la vie sauve car tu as été mon hôte… Soit, tu as choisi la mort
et c'est moi qui te la donnerai bien que je n'y prenne aucun
plaisir.
Aegir recula, la malice pétillait dans ses yeux. Arrivé à
proximité de son chaudron magique il reprit la parole.
- Pfff.
Cesse de me sous-estimer, crois-tu que je vous aie fait venir ici pour
subir une défaite ? Tu vois ce chaudron magique ? La substance dont il est
rempli est hallucinogène, quiconque la respire tombe dans un profond
sommeil.
Aegir donna un violent coup de pied dans le chaudron,
aussitôt son contenu commença à se déverser tandis que des vapeurs
toxiques s'en dégageaient.
- Je suis la seule personne à être
immunisé contre ses effets, bientôt le sommeil t'emportera et je pourrai
te porter le coup de grâce.
Une épaisse fumée rouge recouvrit toute
la caverne.
- Alors que penses-tu de ça dieu du sud ?
Avant
que la fumée ne me recouvre entièrement j'ai le temps
d'articuler.
- Pauvre imbécile que tu es, si seulement tu savais à
qui tu as affaire.
A ce moment la fumée nous recouvrit complètement
et je compris à quel point j'avais tort.
*
* *
Les sirènes avaient entraîné Mime assez loin dans
la grotte d'Aegir de sorte qu'il ne ressentait plus la présence d'Hypnos
que par les vibrations de son cosmos. Au bout d'un moment les sirènes
arrêtèrent leur fuite, Mime put ainsi évaluer leur nombre : elles étaient
bien une douzaine et se ressemblaient toutes. La plus âgée d'entre
elles s'avança vers lui, de sa personne se dégageaient une grâce et une
majesté peu communes, on devinait sans peine qu'elle avait dû faire des
ravages parmi les divinités marines du temps d'avant le Ragnarok. Elle
tendit vers Mime ses deux mains d'une blancheur immaculée et lui décocha
un sourire des plus charmeurs.
- Je me présente, je suis Ran
l'épouse d'Aegir et d'aucuns marins me surnommaient dans les temps anciens
" la ravisseuse ". Et toi beau guerrier divin nous diras-tu ton nom
?
Mime n'avait jamais aimé la violence des batailles et cette
courtoise invitation lui laissait quelque espoir de trouver pacifiquement
un terrain d'entente.
- Mon nom est Mime de Venetash, fils de
Volkel et depuis peu de temps je suis à nouveau le guerrier divin
d'Eta.
Mime rabattit une mèche de ses magnifiques cheveux blonds de
sorte que les sirènes purent admirer son regard écarlate si troublant,
elles en furent visiblement très émoustillées. Ran prit une pose
théâtrale, passant sa main sur son front en s'efforçant de ne pas regarder
son adversaire, il semblait même à Mime que des larmes perlaient à ses
yeux.
- Ah quel destin tragique qui nous oblige à affronter un
guerrier si charmant et si courtois, la guerre est affaire d'hommes, les
femmes ne devraient pas y être mêlées, ne crois-tu pas ?
Mime ne
répondit pas mais il commença à pincer les cordes de la lyre qui avait il
y a peu appartenu à Orphée. Ran en profita pour reprendre.
- Que
dirais-tu de te détendre avec nous tandis que ton compagnon divin et mon
époux règlent leurs comptes ?
Son sourire était encore plus
charmeur que la première fois. Mime ne répondit pas mais ses mains
commencèrent à courir le long de sa lyre enchantée, la musique qui en
sortait était à la fois douce et mélancolique. La voix de Mime,
toujours aussi cristalline, s'éleva alors parfaitement en accord avec sa
musique.
- Soyez certaine belle dame que rien ne me ferait plus
plaisir que d'arrêter les hostilités et je vous laisserais partir de bon
cœur si vous ne m'empêchiez pas de prêter main forte à mon
compagnon.
La voix de Ran se durcit.
- Tu sais bien que cela
m'est impossible, mon devoir d'épouse est de prêter assistance à Aegir
s'il se trouve en péril, comment pourrait-il en être autrement ? Toutefois
je suis prête à t'offrir le libre passage si tu renonces à porter main
forte à ton compagnon.
Mime émit un petit rire moqueur, il pinça
alors une corde de sa lyre et… Disparut à la vue des
sirènes. Celles-ci étaient un peu éberluées : où était-il passé
? Mime ne tarda pas à réapparaître : il se trouvait sur un rocher de
corail, toujours à jouer de la lyre, puis un autre Mime apparut en un
autre endroit, puis un autre adossé à une paroi rocheuse puis encore un
autre et un autre… Les sirènes ne savaient plus quoi penser mais la
musique de Mime continuait à peupler leurs oreilles. Mime ouvrit les
yeux et tous ses doubles le firent à l'unisson, quand il prit la parole il
sembla aux sirènes que sa voix venait de tous les recoins de la caverne à
la fois.
- Ecoutez-moi bien Ran. Combattre n'est ni ce que j'aime
ni ce que je désire, c'est juste ce que je fais car tel est le devoir d'un
guerrier divin. Et aujourd'hui en m'éloignant volontairement de mon
compagnon vous êtes devenues mes ennemies et mon devoir est de vous faire
face sans pitié.
Les sirènes furent stupéfaites : comment des
paroles aussi dures pouvaient-elles être prononcées aussi doucement
? La plupart d'entre elles sentaient leurs paupières s'alourdir sous
l'effet de la musique de Mime tandis qu'au dehors le tumulte de l'océan
s'était calmé, on n'entendait même plus le bruit de la respiration des
poissons. Mime continuait de parler tandis que sa musique devenait de
plus en plus envoûtante et que les sirènes étaient maintenant incapables
de distinguer ce qui était réel de ce qui ne l'était pas.
- Vous ne
manquez pas de courage pour vous opposer à moi surtout quand on connaît la
différence entre nos forces respectives.
Plusieurs sirènes, se
ressaisissant ôtèrent leurs mains de leurs oreilles et fixant l'image de
Mime la plus proche d'elles se jetaient dessus avec la furie des
vagues. Chacune d'elles en intensifiant son cosmos se transformait en
vague et s'abattait avec une violence peu commune sur ce qu'elle pensait
être Mime. Les vagues fracassèrent plusieurs pans de la grotte mais la
voix de Mime ne reflétait aucune douleur. Au bout d'un moment Ran fit
signe à ses filles de se rassembler autour d'elle.
- Ecoutez : nous
ne pouvons continuer à l'attaquer ainsi de façon désordonnée, il nous faut
absolument le frapper à tous les endroits où il peut se
trouver.
Mime qui avait l'oreille fine leur répondit en
riant.
- Tous vos efforts seront vains, vous aurez beau me frapper
avec toute la force de vos cosmos le Stringer Requiem ralentira tellement
vos coups que je n'aurai aucun mal à les éviter. - Ah oui ? C'est ce
qu'on va voir ! Godess Tears !!
A ce moment les sirènes émirent un
cri strident et toute la grotte fut emplie d'eau, comme si l'océan y avait
pénétré et y déchaînait sa furie. En vérité ce n'étaient plus des
vagues mais des mini-cyclones qui se formaient dans la grotte. Toutes
les illusions de Mime furent touchées par les Godess Tears. Quand le
tumulte des vagues se fut calmé les sirènes cessèrent de chanter et
reprirent leur forme initiale. Ran sourit, personne n'aurait pu
échapper à la violence de cette attaque, personne !! Les sirènes se
mirent elles aussi à sourire. Les plus jeunes d'entre elles baissèrent
alors leur garde, c'est ce qui leur fut fatal. Venant de nulle part,
Mime apparut juste derrière elles, il tendit ses mains dans leur
direction. Aussitôt des rayons de lumière découpèrent l'espace dans
lequel elles se trouvaient et avant qu'elles n'aient pu comprendre ce qui
leur arrivait elles se retrouvèrent encastrées dans la paroi rocheuse puis
retombèrent lourdement à terre, tout à fait incapables de bouger. Trois
sirènes étaient maintenant hors de combat. Mime fut alors visible aux
autres sirènes, son visage était défiguré par la douleur : du sang coulait
le long de son front indiquant que sa boîte crânienne avait dû être
touchée. Ran n'en revenait pas.
- Co… Comment ?
Mime lui
jeta un regard sombre.
- Je dois dire que les effets des Godess
Tears m'ont surpris, je ne pensais pas qu'il vous serait possible de
frapper autant de points différents toutefois cette attaque n'atteint pas
la vitesse de la lumière et les effets du Stringer Requiem m'ont permis
d'en atténuer les effets.
Il porta alors la main à son front et
considéra froidement le sang qui la maculait.
- Je n'ai pu éviter
de subir une blessure légère cependant. Ce fut ma première et dernière
erreur car je ne vous permettrai pas de recommencer cette attaque et comme
le nombre est votre force.
Mime tendit la main vers Ran, il
enflamma son cosmos et lança plusieurs rayons de lumière, Ran fut la seule
assez prompte à réagir, les autres sirènes furent fauchées par les rayons
de Mime. Il ne restait plus que Ran et Mime debout dans cette grotte,
Ran contemplait ses enfants avec une douleur visible, aucune d'elles
n'était morte mais elles avaient plus souffert en cette bataille qu'en
toute leur vie. Mime prit alors la parole.
- Consentez-vous à me
donner le libre passage ? Vous n'êtes pas de taille contre moi et sans vos
filles vous n'avez plus aucune chance de me vaincre, cessons là cet
affrontement avant que le sang ne coule davantage.
Ran ne répondit
rien, une lueur sauvage passa dans ces yeux mais s'éteignit aussitôt, on
aurait dit que tout son courage s'était échappé d'elle en une
seconde. Mime sourit, il avança à pas lents dans la direction du lieu
d'affrontement entre Aegir et Hypnos. Alors qu'il avait dépassé Ran de
quelques pas il sentit un cosmos agressif exploser derrière lui, il n'eut
que le temps de se jeter sur le côté pour éviter. La roche de corail à
côté de lui était fendue en de multiples endroits et son propre bras
gauche avait été blessé par l'attaque de Ran. Celle-ci se tenait devant
Mime, une lueur sauvage brillait à nouveau dans ses yeux.
- Mime
!!! Pour ce que tu as fait subir à mes filles je te déchirerai avec les
mailles de mon filet !!!
Mime se releva tranquillement, il
épousseta les cailloux qui souillaient son habit blanc puis fit face à
Ran.
- Je lis dans vos yeux une détermination sans faille. C'est
bien dommage mais puisque vous m'y forcez je vais vous donner le repos
éternel, vous avez choisi votre mort.
Ran émit un rugissement de
rage, elle utilisa à nouveau les mailles de son filet pour écorcher
Mime. Celui-ci regarda l'attaque arriver puis au dernier moment pinça
une corde de sa lyre, se rendant ainsi invisible aux yeux de Ran. Il
réapparut derrière son dos et lui dit 'une voix tellement basse que c'en
était presqu'un murmure : " vos attaques sont trop lentes, avec une elle
technique vous ne pouvez me vaincre ". Sa main glissa alors sur les
cordes de sa lyre.
- Ouverture.
Les cordes de la lyre
s'allongèrent et s'enroulèrent autour de Ran avant qu'elle n'ait pu faire
un geste de défense, le stringer requiem avait commencé.
*
* *
Hypnos
Je réalisais de plus en plus
à quel point je m'étais fourvoyé en pensant que les pouvoirs du chaudron
magique n'auraient pas d'effet sur moi. Les pouvoirs de ce chaudron
n'étaient pas seulement liés au sommeil, il provoquait chez celui qui
inhalait ses vapeurs des effets semblables à ceux de la drogue. J'avais
ainsi de plus en plus de mal à respirer et quand je le faisais c'était
comme si je respirais un air empoisonné qui me faisait perdre la notion de
la distance. Aegir était pourtant surpris par ma résistance.
-
Comment se fait-il que tu ne dormes pas ? Les vapeurs hallucinogènes de ce
chaudron provoquent le sommeil instantané chez n'importe qui.
Je
répondis entre deux toussotements.
- Il se trouve que le sommeil
est mon domaine. Mais ne t'attends pas à ce que je t'en dise plus, je ne
te révélerais mon nom qu'en échange de ta vie.
Aegir fronça les
sourcils.
- Ton inconscience dépasse l'entendement ! Ne vois-tu pas
que personne à part moi ne peut conserver la maîtrise de ses sens et de
son esprit dans cet espace ? Il m'a fallu des siècles d'entraînement pour
m'y habituer mais je ne le regrette pas : grâce à ce chaudron j'ai pu
venir à bout de tous ceux qui en voulaient à ma vie.
Il dit vrai,
je ne peux garder une lucidité totale dans cet environnement, il me
faudrait plusieurs heures pour m'y habituer. Aegir en profita pour
attaquer.
- Voyons si tu es toujours aussi bon à l'esquive !
Aegir's scale sword !
Cette fois c'est comme si je voyais un
millier d'épées déferler sur moi, en temps normal ça ne me poserait pas de
problème mais dans cet environnement je suis incapable d'estimer
exactement ma position par rapport à Aegir. En désespoir de cause je
fais un écart sur la gauche, seuls quelques uns de ses coups
m'atteignent. Aegir sourit en voyant mon sang couler.
- Tu as
mal lu. Cette fois je te mets au défi de trouver un angle mort dans ma
technique !
Les coups pleuvent de partout, je n'ai d'autre choix
que de les éviter en reculant toujours plus. Je recule toujours mais à
un moment donné je me cogne contre un pilier qui se trouve derrière moi,
j'évite de justesse un coup d'Aegir qui visait ma tête. Je recule
encore et me cogne à un autre pilier.
- Quel est cet endroit
?
Aegir sourit.
- Intriguant n'est-ce pas ? Ces piliers de
pierre sont disposés dans cette salle de la même façon que les étoiles de
la Grande Ourse dans le ciel. - La Grande Ourse ? - Exactement !
Dans notre mythologie la Grande Ourse protège les guerriers d'Odin, les
dispensateurs de la mort ! Tu comprends maintenant : tu auras beau reculer
pour parer mes coups tu te heurteras inéluctablement à ces piliers de
pierre qui forment les angles morts de cette salle et comme je sais
exactement où ils sont disposés tu n'as aucune chance de t'échapper
!
Aegir lève son épée. Je n'ai plus aucune chance de lui échapper,
cette fois c'est la fin.
- Meurs sous les étoiles de la Grande
Ourse, serviteur d'Odin !!
L'épée d'Aegir s'abaisse pendant un
temps qui me semble infiniment long. Comment ? Il me prend pour un
serviteur d'Odin ? Moi Hypnos, le dieu du sommeil ?! Je pense alors à
sa majesté Hadès, le dieu suprême, il a fait de moi ce que je suis
maintenant. Si je l'appelle maintenant pour sauver ma vie je ne serai
plus digne de lui. Je me rappelle les paroles qu'il m'adressa un
jour. " Ecoute-moi bien Hypnos, si j'ai fait de toi un dieu c'est pour
que tu sois complètement libre de ton destin, seul les mortels appellent
au secours alors souviens-toi de ceci : ceux qui m'appellent à l'aide n'en
sont pas dignes. Si jamais tu m'appelais à l'aide je ne te considérerais
plus comme un dieu. " Ainsi avait parlé sa majesté Hadès, à n'importe
qui d'autre que Thanatos et moi-même ces paroles auraient pu paraître
dures mais moi je comprenais que sa majesté Hadès avait placé toute sa
confiance en nous et c'était pour cela qu'il ne voulait pas que nous
l'appelions à l'aide. - Hadès, mon maître, avant de te connaître je
n'étais qu'un chien errant, un humain. En ce jour où le malheur s'est
abattu sur mon frère et moi tu nous as tendus la main sans rien demander
en retour, tu nous a montrés la voie du 9ème sens, tu as fait de nous des
dieux et je suis fier de porter la marque de ton affection sur mon front.
Alors je te le jure à toi le dieu suprême :
" Je ne te décevrai pas
!! "
Mon hurlement à fait trembler les parois de la grotte, l'épée
d'Aegir va s'abattre sur moi mais cette fois je ne vois pas des milliers
d'épées, je n'en vois qu'une ! Je concentre toute mon énergie entre mes
mains et referme mes paumes sur le tranchant de l'épée
d'Aegir.
Celui-ci s'arrête, stupéfait.
- Co… Comment as-tu
fait pour saisir le mouvement de mon attaque à travers les ténèbres du
chaudron magique ? Comment as-tu fait ? C'est impossible !!!
Je
mets un genou à terre et m'appuie sur mon autre jambe pour me remettre
debout. Je suis maintenant face à Aegir et son épée est à la verticale
entre nous deux.
- Sache Aegir que pour déjouer les ténèbres de ton
chaudron magique il suffit de connaître un sens qui permet de combiner la
maîtrise de l'esprit avec celle du corps, ce sens c'est le 9ème sens, le
Big Will. - Le 9ème sens ? - Oui, les imposteurs comme toi qui se
font passer pour des dieux ne savent pas de quoi il s'agit mais les vrais
dieux ont senti au moins une fois dans leur vie ce qu'était le 9ème
sens. - Oui mais si tu le maîtrisais tu aurais pu briser les ténèbres
de mon chaudron bien avant. Dis-moi… oui dis-moi quelle est cette volonté
qui t'a permis de le maîtriser totalement à ce moment ? Je veux savoir
pourquoi tu te bats, quelle est cette cause à laquelle tu crois qui t'a
fait repousser tes limites.
Je rapprochai alors l'épée d'Aegir si
près du visage de son propriétaire qu'il pouvait déjà en sentir la morsure
sur sa peau.
- Puisque tu vas mourir je peux te le révéler. Je me
bats pour la gloire du maître que j'aime, je me bats pour la gloire du
dieu suprême. Je me bats pour la Gloire d'Hadès !!!
Ce disant je
donnai un coup d'une extrême violence dans l'épée à double tranchant
d'Aegir, celui-ci dans un réflexe désespéré parvint à la détourner de son
front échappant ainsi à la mort. L'épée dérapa sur toute la largeur de sa
joue et arrêta sa course dans son épaule. Aegir retira l'épée, il
grimaçait de douleur mais dans ses yeux je lisais encore plus d'angoisse
que de douleur.
- Hadès… Ainsi le dieu des Enfers a décidé
d'intervenir… mais pourquoi ? Les Vanes n'ont fait aucun signe d'hostilité
à son égard, pourquoi ? - Sa majesté avait besoin d'une armée et sur
les conseils d'Odin il a décidé de recruter les guerriers divins. - Les
guerriers divins ? Mais alors… Hell… Le Niffheim ? - Oui Hell est
plongée dans un profond sommeil.
Aegir se ramassa sur lui-même, des
larmes coulaient de ses yeux et mouillaient sa barbe. Quelle honte ! Une
fois encore il était arrivé trop tard, il n'avait pas pu soutenir la cause
des Vanes et Odin allait l'emporter. Mais maintenant il était trop tard
pour revenir en arrière, il s'était engagé dans le mauvais camp et avait
engagé une bataille inutile contre un dieu du sud dans une guerre qui
était déjà perdue avant d'avoir commencé. Quelle tragédie ! Ainsi il
s'était caché au plus profond des océans, caressant des rêves de gloire et
de revanche pendant des siècles et tous ses espoirs étaient maintenant
réduits à néant. Je sentis l'hésitation d'Aegir et comprit fort bien
les sentiments contradictoires qui l'agitaient pour les avoir déjà vus à
l'œuvre chez Hell.
- Ecoute Aegir. Même si maintenant tu connais le
nom de mon maître je suis prêt à t'épargner si tu consens à tenir ta
langue.
Aegir ne réagit pas.
- Peut-être même qu'une fois
qu'Hadès aura retrouvé sa place tu auras une place dans le nouveau monde
que nous tentons de créer.
Aegir se releva brutalement, ses yeux
étaient maintenant secs mais ils étincelaient de rage.
- Pour qui
me prends-tu Hypnos dieu du sommeil ? Oui j'ai deviné ton identité ! Je
sais que les Vanes n'ont plus une chance de l'emporter maintenant mais je
ne renierai pas mes choix ! Je me suis engagé dans le camp de ma race
cette fois ! Et même si aucun espoir ne subsiste je ne souhaite qu'une
chose : avoir la mort d'un guerrier !
Je regarde Aegir avec
étonnement, cet homme est plus noble que je le croyais. Pourtant je me
demande ce qu'en dirait sa majesté Hadès. Il dirait sans doute qu'un homme
qui cherche la mort pour elle-même ne récoltera jamais que la tristesse,
une seconde de vie est toujours préférable à 100 ans de mort, dans la mort
l'homme ne vit pas, il ne fait qu'exister.
- Soit Aegir ! Tu veux
te jeter dans la mort au mépris de la vie, sache que je comprends ton
attitude même si je ne l'approuve pas car ce n'est pas en cherchant la
mort que tu vaincras ton ennemi. Peut-être un jour comprendras-tu ton
erreur. - Nous verrons bien. De toute façon ta victoire est rien moins
que certaine Hypnos car ton neuvième sens ne te protégera pas
éternellement des pouvoirs de mon chaudron.
Il a raison, il faut
absolument que je trouve un moyen de contrer son attaque. Sur un homme tel
que lui qui a appris à lutter contre le sommeil que produit le chaudron
l'Eternal Drowsiness ne me sera d'aucun secours. Mais j'ai d'autres
ressources.
J'intensifie mon cosmos au maximum, Aegir a pour
l'instant l'avantage car il connaît la configuration du lieu dans lequel
il se bat, je dois lui faire perdre cet avantage. Je joins mes deux
mains en direction d'Aegir.
- Par le poing des ténèbres qui déchire
le ciel ! Twilight Torn Fist !
En un instant les vapeurs
hallucinogènes que dégage le chaudron magique se sont évaporées tandis que
tout autour l'espace n'est plus que ténèbres. Aegir prend un ton
moqueur.
- C'est donc ça ta technique : assombrir l'atmosphère
? - Regarde où tu te trouves.
Aegir : Je regarde le sol. Quelle
horreur ! Je ne le sens plus sous mes pieds ! Et les neuf piliers comme
les étoiles de la Grande Ourse, je ne les vois plus !
- Que m'as-tu
fait Hypnos ? - Le poing des ténèbres est une technique mise au point
par sa majesté elle-même, elle consiste à neutraliser la technique passive
de l'ennemi en brouillant sa perception et ses sens par les ténèbres. Dans
cette position tu ne peux trouver l'équilibre et partant de là tu ne peux
porter d'attaque car tu ne peux situer ton adversaire.
Aegir pâlit,
il tente désespérément de retrouver des repères physiques dans cette
distorsion ténébreuse.
- Ecoute Aegir, j'ai utilisé cette technique
pour te donner une dernière chance. Tu ne peux plus me porter de coups car
ta technique passive est anéantie, abandonne. Tu ne peux rivaliser avec
une technique mise au point par Dieu lui-même. - Eh bien s'il le faut
je me battrai avec Dieu lui-même mais tu ne me forceras pas à vivre avec
le poids de la honte de n'avoir rien fait pour la gloire de ma race ! -
Comme tu voudras mais ce n'est pas toi qui m'obligeras à prendre une vie.
Adieu Aegir !Elision Breathe!
Des ailes apparurent derrière mon
dos, comme celles qui ornaient autrefois ma kamui, je m'envolai alors et
de mes ailes s'échappa une substance envoûtante, celle des fleurs de
pavot. C'est ainsi que j'endormais autrefois les hommes que Thanatos et
moi devions venir chercher : par des fleurs de pavot, ainsi, avant de
trouver la mort ils avaient un avant-goût du paradis d'où le nom de cette
technique : Elision Breathe, le souffle d'Elision. Aegir tenta de me
porter un coup de son épée d'écaille mais sans repère physique son attaque
se perdit dans le néant. Il sentit alors le parfum enivrant de ces fleurs
et tomba dans un profond sommeil.
Je mis alors fin aux ténèbres qui
nous entouraient et posai le corps d'Aegir sur son trône. Quel gâchis !
Encore une victime inutile d'une guerre perdue d'avance.
" Adieu
Aegir, adieu brave guerrier, tu m'as forcé à utiliser une technique de mon
maître, peut-être serai-je puni pour cela. Comme tu le souhaitais la mort
viendra te chercher mais pas tout de suite, jusque là dors bien sous le
parfum de mes fleurs de pavot ".
Bon et maintenant allons voir
comment s'en sort Mime car j'ai déjà bien assez fait attendre sa majesté
Hadès.
*
* *
Du sang s'écoulait toujours du front de Mime et
même si cela affectait ses manières d'esthète sa technique ne semblait pas
en pâtir. Le stringer requiem se poursuivait, la musique de Mime
s'accélérait visiblement, ce n'était plus la douce sonate du début mais
une marche agressive qui faisait penser à l'accompagnement d'un opéra de
Wagner. Ran en face de son ennemi se tordait de douleur tandis que les
cordes de la lyre enchantée se resserraient à chaque note un peu plus sur
ses membres ses articulations, du sang s'écoulait de toutes les parties de
son corps faisant prendre une teinte écarlate à sa robe bleue comme
l'océan. Mime continuait tranquillement son requiem, ses doigts
pinçaient délicatement les cordes de sa harpe et dans ses yeux ne se
lisait aucune haine pour la personne qu'il était en train de
tuer.
- Le requiem touche à sa fin belle Ran, ne voulez-vous
toujours pas revoir votre position ?
Ran avait de plus en plus de
mal à respirer : la pression que les cordes de la lyre exerçaient sur son
cou était devenue insupportable et rendait difficile l'arrivée de
l'oxygène à son cerveau. L'espace d'un instant elle fut tentée
d'abandonner, elle n'était plus vraiment certaine qu'Aegir méritait
qu'elle endure toutes ces souffrances. Elle ouvrit la bouche pour
demander grâce mais à cet instant précis elle vit dans les yeux de son
adversaire quelque chose qu'elle n'avait pas discerné auparavant : le
remords. Oui le remords de faire souffrir quelqu'un, pourquoi Mime
éprouvait-il des remords ? Il était un guerrier et elle une ennemie après
tout alors pourquoi ? A moins que… En une seconde elle saisit la
raison du trouble de Mime, oui elle tenait un atout maître qui allait lui
permettre de l'emporter ! Mais pour l'instant elle devait faire croire
à Mime qu'elle voulait se rendre.
Ran n'eut certes pas à se forcer
pour faire comprendre à son adversaire qu'elle demandait grâce, il lui
suffit de tendre la main vers lui dans un geste implorant. Mime
desserra aussitôt l'étreinte des cordes de sa lyre, un soulagement visible
se lut dans ses yeux.
- Ah je vois que vous devenez
raisonnable.
Ran reprit un peu son souffle avant de répondre. Ce
fut toutefois d'une voix étranglée qu'elle articula :
- Po…
Pourquoi tant de … remords guerrier divin ? Pourquoi as-tu tant de mal à
donner la mort à un ennemi, même si c'est une femme ?
Mime recula,
une lueur cruelle était apparue dans les yeux de Ran qu'elle fixait
maintenant dans les siens. Ran ne reprenait plus son souffle et un
sourire mauvais se posa sur ses lèvres.
- Sans le savoir tu as
commis une erreur qui te sera fatale ! Ecoute mon ultime chant : Sirena
Heart Song !
Un son strident sortit de la bouche de Ran, Mime mit
alors les mains devant ses oreilles, ce son était absolument insupportable
! Il sentait que ses tympans allaient exploser ainsi que son cerveau
! Dans un ultime effort il pinça une corde de sa lyre, les cordes se
dirigèrent à nouveau vers Ran mais celle-ci n'esquissa pas le moindre
geste pour se défendre. Il lança alors sa dernière note, le son de
corde final, celle qui est censée déchiqueter l'adversaire. Ran
s'arrêta de chanter une seconde, elle sourit alors.
- Trop tard,
j'ai déjà touché ton cœur !
A ce moment Mime n'avait qu'une envie :
en finir avec ce chant ignoble mais au moment où sa dernière note allait
atteindre Ran… La personne qui se trouvait devant lui n'était plus Ran
mais une personne qu'il connaissait. C'était VOLKEL !
- Volkel
!
Mime reconnut instantanément les traits familiers du visage de
son père et dans un réflexe désespéré il agrippa la corde d'où était
partie la dernière note et l'arracha de sa Lyre. Juste à temps ! Le son
de corde final avait failli toucher Volkel ! Les cordes qui enserraient
celui qui se tenait à la place de Ran une seconde plus tôt se distendirent
d'un seul coup et retombèrent inertes au sol.
Mime ne pouvait en
croire ses yeux : ce regard dur, ces traits taillés à la serpe, ces
cheveux longs et ce bandeau… Tout cela appartenait à Volkel et pourtant ce
ne pouvait être lui.
- Père ! Mais comment ? Je t'ai cherché en
Enfer aussi longtemps que je l'aie pu et tu te tiens maintenant devant
moi, bel et bien vivant.
L'homme qui se tenait en face de Mime prit
alors la parole, c'était la voix puissante de celui qui avait été le plus
grand guerrier d'Asgard.
- Mime, mon fils. Peu importe les mystères
de ma résurrection, l'important est que nous soyons de nouveau
réunis.
Pour Mime le doute n'était plus permis : l'homme qui se
tenait en face de lui était bien Volkel, son père qui l'avait élevé, celui
qui avait essayé de lui faire croire en un noble idéal. Il ne
comprenait pas comment il pouvait se tenir devant lui mais il était
possible qu'en tuant Ran il ait fait revenir son père, ce genre de choses
arrivait tous les jours dans le monde où il vivait. Il hésitait
pourtant.
- Mais je t'ai tué, n'as-tu aucun ressentiment envers moi
pour cela ? - Oui tu as levé la main sur moi et c'était ton droit car
j'ai tué tes véritables parents mais avec la mort tes péchés ont été
absous et maintenant que nous voici réunis je veux te serrer dans mes
bras. - Pa.. Papa.
Mime était éperdu de bonheur, il se précipita
dans les bras de son père. Enfin ils allaient être réunis, enfin il allait
pouvoir faire la paix avec son passé, peu importait maintenant Hypnos ou
ses compagnons puisqu'il avait retrouvé son père. A mesure qu'il
approchait l'image de Volkel se faisait plus précise, Volkel ouvrait ses
bras et il n'avait qu'une envie : se blottir dans leur tendre
chaleur. Mais au moment où Mime allait atteindre son père il lui sembla
distinguer à travers ses larmes de joie la silhouette de Ran, il sentit
alors une douleur au ventre comme s'il avait été frappé avec une violence
inouïe en ce point.
Mime fit quelques pas en arrière, il était
courbé et se tenait le ventre à deux mains mais par un effort de volonté
il parvint à ne pas tomber. Il s'arrêta alors pour observer la blessure
qu'il avait maintenant au ventre, le coup avait été porté avec une
violence extrême, comment Volkel pouvait-il ?
Celui-ci ne lui
laissa pas le temps de la réflexion, il fit plusieurs pas vers lui et lui
ouvrit de nouveau ses bras.
- Qu'as-tu mon fils ? Pourquoi me
repousses-tu après une si longue séparation ?
Volkel n'était
maintenant plus qu'à un mètre au plus de son fils et au moment de le
toucher son visage se déforma horriblement, faisant penser à quelque
monstre marin. Mime ne réagit pas et un nouveau coup lui fit cracher un
filet de sang.
- Il suffit Ran ! J'ai compris ton stratagème ! Tu
as osé prendre l'apparence de mon père pour m'affronter. Mais je ne
laisserai pas un tel crime impuni ! Reçois mes rayons de lumière
!
Des doigts de Mime partirent plusieurs rayons de lumière qui en
se croisant formèrent une sorte de mur de lumière. Volkel fut frappé à
l'épaule par ces coups, il n'avait fait aucun geste pour esquiver. Du
sang coulait maintenant de son épaule meurtrie, il la regarda et considéra
froidement le sang qui s'en échappait.
- Bien Mime ! S'il te faut
une preuve que je suis bien Volkel frappe-moi autant que tu le souhaites,
je ne me défendrai pas.
Volkel étendit alors ses bras en position
de croix. Mime hésitait, si Ran voulait le tuer pourquoi aurait-elle
risqué d'être blessée ? Se pourrait-il que ? NON. Jamais son père ne
l'aurait frappé… Et pourtant c'est ce qu'il faisait lors de chacun de
leurs entraînements. Mime recula il hésitait à lancer une autre
attaque. Volkel le fixait à nouveau dans les yeux.
- Allons
Mime, puisqu'il te faut une preuve vas-y, frappe-moi, je n'ai pas peur des
coups que peut me porter mon fils car cette souffrance n'est rien comparée
à celle que je ressens en voyant que tu ne me reconnais pas.
Mime
recula, il s'efforça d'effacer tout scrupule de son esprit, prenant une
position d'attaque il se campa fermement sur ses pieds et envisagea son
père comme s'il se fût agi d'un ennemi mortel. De nombreuses images
passaient dans sa tête en ce moment : Il était un enfant, il avait
froid mais son père le couvrait de sa chaleur apaisante tandis qu'il
marchait dans les bois enneigés à la recherche d'un médecin. Il
ressentait cette chaleur, la chaleur du corps de son père. Il se
revoyait au moment où il lui avait porté un coup mortel : " Je te hais
" Tels avaient été ses propres mots au moment de frapper son père, il
l'avait transpercé. " Je t'en supplie pardonne-moi " Même après avoir
reçu l'attaque de son fils Volkel implorait encore son pardon.
Mime
tomba à genoux :
- Non ! Ce jour-là je suis devenu un assassin,
j'ai tué mon père sans raison, sur une simple impulsion. Et aujourd'hui je
devrais le frapper sous le coup d'une autre impulsion. NON je ne peux pas
faire ça ! Pas à mon père !
Mime prit sa tête dans ses mains, ses
larmes se répandirent sur le sol de la grotte sous-marine. A ce moment
il sentit une douce pression contre son épaule, c'était Volkel.
-
Mime aujourd'hui encore j'implore ton pardon, à cause de moi tu es devenu
un assassin, je t'en supplie pardonne-moi, le simple fait que tu sois
triste à cause de moi m'est insupportable. - Pa… Papa.
Tout
doute s'effaça alors de l'esprit de Mime : cet homme ne pouvait être que
son père. Il se blottit alors dans ses bras chaleureux. Volkel lui rendit
son étreinte et Mime sentit la douce pression des bras de son père contre
son dos. Mime n'avait jamais été aussi heureux de sa vie et il
l'ignorait alors mais c'était aussi le cas de Volkel. Ils restèrent
ainsi enlacés un moment mais subitement Volkel relâcha son étreinte. Des
gouttes de sueur perlaient à son front, il semblait souffrir
atrocement.
- Mim… Mime… Eloigne-toi… Je t'en prie… éloigne-toi
!
Mime fut très surpris de ce changement d'attitude.
- Père
que se passe t-il ?
Volkel avait de plus en plus de mal à
parler.
- Ran… cette diablesse… la tuer… tu dois… il le faut. -
Comment ?!
Volkel se releva brusquement, son cosmos irradiait
l'agressivité et dans ses yeux brillait une lueur sauvage. Une
explosion d'énergie suivit, Mime fut projeté en arrière avec une telle
violence qu'il eut l'impression que tout son corps se disloquait. Il
releva alors les yeux, la personne qui se tenait devant lui n'était plus
Volkel, c'était Ran. Celle-ci hurlait de colère contenue.
-
Vieillard stupide ! Ton fils et toi auriez été réunis pour l'éternité si
tu m'avais laissé faire !
Mime était stupéfait.
- Ran !
C'était donc toi.
Ran eut un sourire mauvais.
- Non tu te
trompes : la personne qui t'a serré dans ses bras était bien ton père mais
celle qui t'a blessé c'était bien moi. - Comment ? - Le Sirena Heart
Song permet de toucher le cœur de l'ennemi en faisant revenir la personne
qui lui est la plus chère, cet homme était donc bien Volkel mais cette
technique permet aussi de frapper l'ennemi au moment où il s'y attend le
moins. - C'est horrible ! Tu oses te moquer de l'amour ! - Au
contraire si tu te laisses vaincre par moi tu retrouveras ton père au
royaume des morts et vous serez réunis pour toujours. Par contre si tu me
tues tu ne le reverras plus jamais !
Mime hésitait, il ne pouvait
concevoir la vie sans son père mais en même temps celui-ci lui avait
ordonné de tuer Ran. Que devait-il faire ?
Ran ne lui laissa pas le
temps de la réflexion.
- Allons, je vais réunir le père et le fils
pour l'éternité ! Mime sois déchiré par mon filet !
Des fils
invisibles sortirent des doigts de Ran , ils se rassemblèrent pour former
un filet dont les mailles étaient si serrées qu'elles auraient déchiré les
nuages. Mime restait immobile comme un poteau, il avait décidé de
mourir. Mais au moment où le filet allait se refermer sur lui il entendit
la voix de son père. " Mime je t'en conjure tue Ran ! "
- Mais
si je fais ça nous ne nous reverrons plus. - Tu ne dois pas vivre avec
des fantômes ! J'appartiens maintenant au passé ! Tue Ran tue-moi
!!
Mime ferma les yeux en pensant qu'au moment de mourir on voyait
toute sa vie défiler en une seconde. Il se revoyait enfant, entouré de
l'amour de ses véritables parents puis une autre chaleur s'imposa à lui,
celle de son père adoptif. Bien qu'il eût toujours été bon pour lui il
avait passé une partie de son enfance à appréhender leurs entraînements
car ils étaient synonymes de violence, la chose qu'il détestait le plus au
monde. Son père avait fait de lui un guerrier divin, il lui avait enseigné
à combattre pour ce qu'il croyait juste mais un jour l'image qu'il se
faisait de cet homme s'était teintée de sang. Il ne pouvait le nier :
après l'avoir tué il s'était senti soulagé et jusqu'au jour où il avait
rencontré Andromède et Phénix il n'avait plus ressenti de scrupules au
combat. Et pourtant il avait été vaincu ! Pourquoi ? Parce qu'il ne
croyait pas en un monde plus juste ? Non s'il avait été vaincu c'était
parce qu'au moment de frapper son adversaire le fantôme de Volkel lui
était apparu et il avait été incapable de frapper son ennemi sans
hésitation. Et maintenant il allait mourir pour la même raison : parce
qu'il n'arrivait pas à tuer les fantômes qui habitaient son esprit ! Non
cela ne se pouvait ! Il ne pouvait mourir pour rejoindre un homme qui
était déjà mort !
A ce moment Mime se ressaisit. Il envisagea son
adversaire avec toute la haine dont il était capable mais à cette haine se
mêlait aussi sa tristesse de devoir tuer Volkel. Il intensifia son cosmos
et sa puissance n'avait jamais été aussi grande.
- Prends-ça Ran !
Par les Rayons de Lumière ! Pardonne-moi père mais tu dois mourir
!
Les rayons de lumière percèrent le filet de Ran comme du beurre,
trop surprise pour réagir elle reçut tous les coups de Mime et fut
littéralement transpercée par son attaque.
Elle tomba en arrière et
à cet instant elle reprit l'apparence de Volkel. Mime se précipita vers
son père.
- Papa !
Volkel ouvrit les yeux.
- Non ne
pleure pas Mime je t'en prie. Les guerriers divins sont les guerriers les
plus redoutables d'Asgard, ils ne doivent pas pleurer. - Père
pardonne-moi. - Tu as fait ce que tu devais. Mime tu es devenu le
guerrier divin que j'espérais. Je… Je n'ai plus aucun regret. Je suis fier
de toi mon fils.
Volkel ferma alors les yeux, un sourire passa sur
ses lèvres.
- C'est agréable, agréable de mourir dans les bras de
son fils.
Mime sentit son corps se refroidir.
- Père on
venait juste de se retrouver !
Volkel reprit l'apparence de Ran la
ravisseuse.
Un bruit de pas. Un homme qui sort de l'ombre.
-
Seigneur Hypnos ! - Oui je sais Mime j'ai assisté à la dernière phase
de ton combat.
Mime se ramassa sur lui-même, il avait honte de ses
larmes.
- Je dois te féliciter Mime : tu as eu le courage de briser
la fibre sentimentale qui t'empêchait de porter la main sur ton père. -
Comment ? - Ne te méprends pas sur le sens de mes paroles. En tuant
Volkel en dépit de tes sentiments tu as accompli un acte d'amour et ce
faisant tu as gravé le cœur de ton père dans le tien. Mime, aujourd'hui tu
as découvert la vraie tristesse, celle qui vient de la mort d'un parent et
sans le savoir tu t'es encore un peu plus approché de l'ultime
cosmos. - L'ultime cosmos ? - Si tu rencontres sa majesté tu
comprendras le sens de mes paroles car lui aussi a le cœur teinté de
larmes. Mais avant de rejoindre Asgard rends hommage à la mémoire de Ran
car sans elle tu n'aurais pas pu revoir ton père. - C'est
juste.
Hypnos s'éloigna pendant que Mime rendait hommage à la
mémoire de Ran. Celui-ci le rejoignit bientôt. Hypnos ne fit aucun
geste pour le réconforter mais après avoir récupéré les corps des
guerriers divins il lui adressa la parole.
- Viens Mime il est
temps de quitter ce lieu maudit pour rejoindre sa majesté Hadès. - Mais
les sirènes et Aegir ?
Hypnos ne se détourna pas.
- S'ils se
réveillaient maintenant leur douleur serait trop vive, je vais donc leur
offrir le sommeil.
La mer se referma sur le passage d'Hypnos et
Mime portant sur leurs dos les guerriers divins mais avant de partir
Hypnos joignit ses mains et murmura : " Eternal Drowsiness " Et alors
que toute la mer plongeait dans le sommeil deux guerriers et leurs
compagnons inanimés s'envolèrent pour
Asgard.